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Bien oui, ils l’ont vu !

serpent de mer

Qui ? Quoi ?

Encore le serpent de mer ! D’ordinaire, le monstre fait son apparition plus à bonne heure en été.

Mais nous avons eu cette année tant de tremblements de terre, tant de cyclones, d’ouragans, de raz-de-marée, de grands froids, de fortes chaleurs, etc., que le serpent de mer en fut, sans doute, complètement désorienté, et qu’il préfère la solitude et la paix de son abîme.

Il est consolant néanmoins de constater qu’il n’est pas disparu de la circulation et qu’il consent encore à se montrer en public.

Le 22 juin dernier, il prenait ses ébats sur les côtes d’Irlande, faisant l’inspection de tous les paquebots chargés de touristes qui passent à cet endroit lors de la belle saison. Nous ne pouvons mettre en doute les officiers du paquebot «Campania» [un navire transatlantique qui fréquente le fleuve Saint-Laurent], de la ligne Cunard, qui affirment avoir vu le monstre, de leurs yeux vu, sans l’aide de lunettes marines.

Comme le serpent était à peine à cent pieds du vaisseau, la chose était facile. L’occasion était exceptionnellement favorable pour prendre une description du monstre : sa longueur, la forme de sa tête — Ah ! sa tête !

Ils n’y ont pas manqué, et les croquis abondent. La tête dressée, le serpent émergeait de huit pieds hors de l’eau et l’on voyait six pieds de sa queue flottant sur les flots. Ce qui laissait trente pieds de son corps au-dessous de l’eau, puisque les officiers du «Campania» sont unanimes à dire que l’animal avait quarante-deux pieds de longueur [soit 12,8 mètres].

Oui, quarante pieds seulement. C’est modeste pour des marins d’expérience. D’autres loups de mer qui ont vu le serpent sur divers points de l’océan affirmaient qu’il avait cent à deux cents pieds de longueur.

Quarante pieds, mais c’est un vulgaire python que le fameux serpent de mer.

Attendez. C’est un python bien différent des autres pythons que vous avez connus. Les officiers du «Campania» disent qu’il avait une tête de chat !

Un chat-python alors ?

C’est pas banal.

Curieux, tout de même, que les officiers du «Campania» n’aient pas songé à capturer un si beau spécimen de la faune aquatique, attendu qu’il leur est apparu deux fois et que chaque fois il a semblé compter combien il y avait de passagers à bord du navire, afin de calculer l’âge du capitaine.

Il a posé, quoi ! Il a posé pour eux, indifférent aux menaces du caméra [sic] !

Il a même regardé s’éloigner le beau navire, qui avait distrait sa solitude. […]

À ce propos, comment expliquer que ce monstre, qui a été vu de temps immémorial et dont les traits ont été admirés par des générations successives, n’ait jamais été capturé, quand tous les autres animaux de la création figurent dans les jardins zoologiques du monde entier ou dans les musées d’histoire naturelle ?

Existe-t-il seulement ou n’est-il que le produit d’une imagination malade ? En tous cas, il perdrait de son charme à être pris. Quel qu’il soit, réalité ou illusion, il nous ferait peine de le manquer et l’on ne saurait facilement concevoir l’océan sans son serpent.

 

Le Bulletin (Montréal), 4 août 1907.

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