«Grâce pour le crapaud !»
S’il est un animal que la nature n’a pas favorisé, c’est bien le crapaud !
Il est laid, difforme, d’une vilaine couleur, son corps est couvert de pustules, sa démarche est mal assurée, et, comme si ce n’était pas assez de tant de motifs de répulsion, on lui reproche encore d’être venimeux et d’avoir la bave empoisonnée.
Pauvre animal ! N’a-t-il donc pas aussi quelques qualités ? N’en doutez pas : il en a même de précieuses qu’elles devraient faire oublier ses défauts. Certainement, au point de vue «physique», il laisse passablement à désirer et l’on aurait du mal à le trouver «joli». Mais il n’est ni venimeux ni empoisonné, et l’on peut — tous les goûts sont dans la nature — le caresser sans nul crainte.
Il est même susceptible d’attachement et la naturaliste anglais Pennant cite le cas d’un crapaud qui, pendant trente-six ans, vint chaque jour aux heures des repas, dans la salle à manger de la maison où il avait élu domicile.
Comme chasseur et destructeur d’insectes nuisibles, larves, vers, chenilles, mouches, limaces, etc., il n’a pas son pareil, et cette précieuse qualité devrait lui assurer la protection de l’homme.
On devrait même, comme le font certains agriculteurs, introduire des crapauds dans les champs et les jardins. Au lieu de cela, on le tue. Voilà bien l’ingratitude humaine !
Grâce pour le crapaud !
Liseronne.
La Patrie (Montréal), 25 août 1900.