«La Canadienne»

Un écrivain français a fait le portrait suivant de la Canadienne.

C’est une Française transplantée aux antipodes; fleur fragile de l’Occident acclimatée au nord de l’Amérique.

Deux cents ans ont passé sur la Dieppoise et sur la Malouine sans effacer les traits principaux qui distinguent les enfants d’une même patrie.

Fidèle à nos traditions, à nos goûts, à notre langue, à notre religion, la Normande ou la Bretonne du Nouveau-Monde revendiquera avec fierté son origine française, qui est un parchemin de noblesse, sans pour cela délaisser son titre de Canadien[ne], qui est une conquête.

Aimable et coquette, l’habitante de Québec cherche à plaire, tout autant que la Parisienne, et ainsi qu’elle arrive facilement à ce but. Le choix de ses toilettes prend une grande place dans ses occupations domestiques. Copier les modes françaises, voilà son plus vif désir.

Elle marche avec lenteur et précaution : on sens qu’elle a perdu la désinvolture vive et assurée de la Française. Il y a quelque chose de plus languissant dans son regard, son sourire et son maintien. Le jour étranger, le climat lointain ont modifié, sans les amoindrir, la nature et le caractère de la femme de l’«ex-Nouvelle-France».

Idole ravie à la terre natale, elle est restée la plus vivante image de la patrie absente. Prenant les soucis et les travaux à leur charge, les hommes ont préservé leurs compagnes des peines et des labeurs qui assaillent parfois la plus faible partie du genre humain.

Aimée, adulée, gâtée, la Canadienne pare son intérieur comme un temple et sa beauté comme une châsse. Tous ses soins se concentrent dans l’apprêt de plantureux repas et de toilettes sans cesse renouvelées.

Son esprit est aimable, son cœur généreux, son âme élevée vers la piété — ce phare qui éclaire et guide nos vies.

La Patrie (Montréal), 14 juillet 1906.