Dégourdis, les fermiers de «l’ouest central»
Pour contourner le monopole qui rapidement s’installe dans le monde téléphonique, des fermiers de la région qu’on dit être l’«ouest central» [il pourrait s’agir du mid-west du continent] se regroupent pour fonder une coopérative en ce domaine.
La Patrie du 15 juillet 1901 nous prévient que cette nouvelle est extraite du journal L’Avenir du Nord.
Les fermiers de quatorze townships, dans les États de l’ouest central, ont formé entre eux une société coopérative de téléphone. Ils se sont arrachés au monopole et ont gardé pour leurs enfants l’argent que les capitalistes prélevaient sur eux sous forme d’abonnement.
Chaque fermier peut maintenant avoir le téléphone dans sa maison pour $5 ou $6 par année avec, en plus, l’obligation d’entretenir la partie de la ligne à son usage.
Le téléphone à la maison de chaque cultivateur du district de Terrebonne, voilà un rêve qui, pour être extraordinaire, n’en est pas moins réalisable, puisque les fermiers eux-mêmes l’ont réalisé avec succès et profit pour eux-mêmes.
Un téléphone d’«habitant» coûterait à chaque sociétaire, dans les conditions de fonctionnement mentionnées plus haut, environ $5 ou $6 par année.
C’est une bagatelle si l’on songe à l’avantage de se trouver en communication constante avec le village et la ville. Quelle commodité pour savoir d’avance, par exemple, les prix du marché sur tel ou tel produit, céréales, légumes, beurre, fruits, etc. L’habitant compose sa charge suivant les indications fournies, pour emporter non seulement ce qui se vendra, mais ce qui se vendra bien.
Quelquefois aussi, on a subitement besoin du médecin, du curé. Ça prendrait une heure ou deux pour atteler et aller avertir ces personnages. Drrrring ! un coup de téléphone, et M. le curé ou le docteur répond aussitôt : «J’y cours.» En attendant, vous restez à la maison où votre présence et votre aide sont quelquefois nécessaires.
Si quelqu’un d’entreprenant veut tenter de mettre cette idée à exécution dans le district de Terrebonne, je puis l’assurer que je renonce avec joie à tout droit d’auteur pour le Canada, y compris la Suède et la Norvège.
À noter que c’est en Saskatchewan, en 1932, que fut fondé le parti CCF (Cooperative Commonwealth Federation), dans cette partie du Canada qu’on appelle ici «l’ouest central». Peut-être qu’on assiste à ce moment, en 1901, à un début d’intérêt pour le mode coopératif. Au Québec, on retrouve déjà de premières coopératives dans le monde agricole, mais on ne semble pas avoir pensé les étendre à un moyen de communication comme le téléphone.