Le bonheur de la vie champêtre
En 1900, on arrive à lire dans la presse québécoise toute une démarche cherchant à faire l’éloge de la vie à la campagne. Les raisons sont multiples sans doute. L’urbanisation est galopante, les villes se développent sans guère de plan d’urbanisme, les familles sont nombreuses aux salaires modestes pour la plupart, beaucoup partent encore pour les États-Unis. Il n’y aurait que la campagne comme lieu de bonheur.
Ici, le montréalais J. L. Vachon revient d’un séjour chez J. N. Lamy, «modeste cultivateur qui habite sur la rive gauche du St-Laurent, à un mille d’un village retiré». De retour en ville, l’auteur se sent inspiré. La Patrie publie son texte le 28 juillet 1900. Extraits.
Quelle est délicieuse la campagne, quelle est charmante lorsqu’elle est parée des brillants atours que lui prodigue la nature ! La joie, le bonheur, le calme y trouvent un asile assuré. Elle attire vers elle des milliers de personnes que la bruyante activité des villes énerve et fatigue.
L’homme des champs voit sa jeune famille croître à l’ombre de la vertu et du devoir, comme le frêle arbrisseau au bord d’une claire fontaine.
Quelle différence entre la vie du campagnard et celle de l’habitant des villes ! … Celui-ci traîne son existence languissante dans les ombres souillés de la fumée qui lui dérobe l’azur des cieux. Celui-là coule des jours tranquilles sous un ciel serein. Des nuages s’élèvent parfois à l’horizon, mais leurs plis diaprés ne recèlent rien d’alarmant. Ils verseront demain dans l’âpre sillon que le cultivateur a creusé une ample fécondité.
Le citadin souffre de l’impitoyable tintamarre des lourds véhicules qui gémissent sur le pavé durci des rues. Mais le paysan, lui, n’entend que le babil du gai ruisseau qui court dans son lit de mousse et les causeries des petits oiseaux qui passent sous la feuillée.
Comme le sort de l’homme des champs est digne d’envie ! La paix et le bonheur cheminent à ses côtés. La santé, la vigueur, qui fuient le tumulte des villes, sont l’apanage de sa vie paisible et l’escortent jusqu’au terme final de sa laborieuse carrière.