Réflexion sur les tramways de Montréal en 1905

Lorsque nous avons imaginé les premiers transports en commun, a-t-on pensé que nous proposions la vie plus serrée les uns près des autres ? Et chacun s’y est amené avec son allure, son parfum et parfois son bagage. Même les employés de la compagnie de transport. Réflexions sur les tramways de Montréal en 1905.

Nous ne voulons pas faire à la compagnie des tramways le reproche que ses chars marchent trop lentement. Ce serait une critique absolument injuste. Nous ne lui dirons même pas que ses voitures sont trop encombrées, car nous en avons pris notre parti, comme d’un mal inévitable.

Pour bien lui prouver que nous savons lui rendre justice et que nous apprécions ses efforts, nous la complimenterons sur la mise en service de ses derniers chars nouveaux modèles qui sont spacieux, confortables et dont l’arrêt et le départ se font instantanément sans heurt et sans secousse.

Mais ceci dit, nous pouvons bien déclarer à la compagnie que ses voitures ne sont pas propres, que ses employés ne sont pas toujours vêtus avec un soin méticuleux et que leur tenue, leurs longs cheveux et leur barbe de trois à quatre jours laissent beaucoup à désirer.

Les voitures, le matin surtout, en sortant du dépôt, devraient être reluisantes de propreté et désinfectées. L’hygiène exige cette dernière opération. On ne devrait pas, en pénétrant dans un char, être pris à la gorge par une odeur âcre de vieux tabac ou un relent d’humidité écœurante. Il semble que des gens aient couché la nuit dans ces chars, et qu’ils y aient chiqué du Bob ou du Currency. Cela empeste !

C’est facile d’aérer pourtant et de nettoyer le parquet avec une grosse éponge trempée dans de l’eau phéniquée.

Certains conducteurs, nous ne disons pas tous, car il y en a qui sont élégants et astiqués, ont pour leur toilette, la propreté de leurs mains et la fraicheur de leur visage, le mépris absolu.

Pourquoi un inspecteur ne leur rappelle-t-il pas qu’ils se négligent ?

Rien ne donne une plus mauvaise opinion d’une ville qu’un tramway sale et qu’un conducteur dans l’aspect extérieur n’inspire pas le respect par la tenue et la propreté.

Ce sont des détails infimes, dira-t-on.

La vie n’est faite que de ces petits détails et elle n’est charmante qu’autant que rien ne vient heurter désagréablement les sens. C’est si facile de plaire à tout le monde quoiqu’on en dise ! Aussi la Compagnie des Tramways prendra bonne note de nos observations qui sont l’écho des plaintes d’un grand nombre de voyageurs et elle nous donnera satisfaction, car nous savons qu’elle fait tout pour être agréable au public.

Le Bulletin, 2 avril 1905. Le Bulletin est un hebdomadaire montréalais qui n’est paru que de 1904 à 1908.

L’illustration provient du site de la Bibliothèque et Archives nationales du Québec à l’adresse suivante.