«Floraison de cristal»
En avril au Québec, il y a de ces jours vraiment bien surprenants. Celui du 9 avril 1908 en fut un.
Le verglas fait ce matin tous les arbres ressembler à des saules pleureurs dont les branches de cristal étincellent au soleil.
Décidément, le mois d’avril 1908 n’aura rien à envier au mois d’avril 1907, et la journée d’hier restera parmi les plus désagréables que nous ait fournies jusqu’ici un printemps extra maussade.
Le tourmente de neige commencée, hier matin, à neuf heures, s’est continuée jusqu’à quatre heures de l’après-midi, alors que la pluie succéda à la neige et se convertit bientôt en grésil, la température se maintenant très froide durant toute la journée.
Il est tombé au-delà de cinq pouces de neige [13 centimètres] pendant la journée d’hier et, ce matin, cette neige glacée étincelait au soleil. Si tardive fut cette dernière manifestation de l’hiver et si rapidement arriva l’avalanche, que la compagnie des tramways, sans être prise au dépourvu, s’est trouvée, dès les premières heures de la tempête, momentanément paralysée dans ses efforts pour combattre l’adversaire sur tous les points de son réseau à la fois.
La circulation des tramways devint plus lente, et le service menaçait de s’interrompre sur plusieurs lignes, lorsque les balayeuses électriques se rendirent maîtresses de la situation et triomphèrent de l’une des plus déconcertantes tempête de neige que nous ayons eues cet hiver, ce qui n’est pas peu dire.
Mais si la neige avait été vaincue, la compagnie n’avait pas terminé sa tâche, car le grésil était encore plus redoutable que la neige, et toute la nuit la circulation des tramways n’a pas été interrompue, mais au prix de quels efforts ! Le contrat du trolley avec la glace qui recouvrait le fil distributeur a donné lieu à un feu d’artifice qui illumina le ciel pendant plusieurs heures.
Vers minuit, le ciel semblait un vaste lac d’or. Nous avons aujourd’hui un clair soleil, mais la température reste un peu froide.
Nous payons pour les douceurs de mars, car, dit le proverbe, «quand mars fait avril, avril fait mars.»
La Patrie, qui publie ce texte le 9 avril 1908 en page 7, ajoute en page 13 :
Sous l’action combinée du soleil et d’un fort vent du nord-ouest, les arbres ont dépouillé ce midi leurs branches chargées de givre, par suite de la pluie et du grésil de la veille. Pendant plus d’une heure, ce ne fut qu’une pluie de glaçons miroitants sur la tête des passants, quand ce n’était pas une avalanche glissant des toits.
Le dégel subit a mis nos rues dans un état indescriptible et il est à espérer que le soleil ne s’arrêtera pas en chemin pour faire disparaître cette neige qui nous a fait perdre tout le terrain gagné depuis quinze jours.
La photographie prise vers 1960 après une pluie verglaçante montre les dégâts causés devant l’Académie de Québec, rue Chauveau, dans le Vieux-Québec. Elle est déposée à la Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Québec, Fonds L’Action catholique, Dossiers de documentation du journal, Documents iconographiques, cote : P428, S3, SS1, D24, P9.