On ne parle jamais de l’âne
L’âne n’a jamais joué un grand rôle dans l’histoire du Québec. Comment expliquer d’ailleurs sa quasi absence ? Et, dans la presse d’il y a plus de cent ans, on n’en parle jamais. Tout de même, Le Sorelois du 9 mars 1888 propose un long texte d’un certain Paul de Lanoue sur l’âne. Extraits.
L’âne est aussi humble, aussi patient, aussi tranquille que le cheval est fier, ardent, impétueux; il est sobre et sur la qualité et sur la quantité de la nourriture; il se contente des herbes les plus dures, les plus désagréables, et avec cela il souffre avec constance, avec courage même les travaux les plus pénibles, les châtiments les plus injustes.
Sa robe est moins variée que celles des chevaux. Communément, il est gris de souris, gris argenté, luisant ou mêlé de taches obscurs. […] Cet animal a la vue, l’odorat et l’ouïe excellents; son braiement est un cri fort prolongé, très discordant, par dissonance alternative, de l’aigu au grave et du grave à l’aigu. C’est à ce malheureux cri, qu’on ne peut entendre sans rire, qu’il doit une partie de nos mépris. […]
Il se défend comme le cheval, du pied et de la dent. Sa jambe est plus sèche que celle du cheval, et sa marche plus ferme et plus sûre. Il aime à marcher sur les terrains secs, à se rouler dans la poussière, ou sur le gazon. Quand on le surcharge et que le harnais le blesse, il incline la tête et baisse les oreilles. Est-il tourmenté, il ouvre la bouche et retire les lèvres d’une manière désagréable qui lui donne un air moqueur et dérisoire.
L’âne, comme le cheval, passe pour être originaire de l’Arabie. De là, il se serait répandu sur toute la terre pour y être le plus patient et le plus dévoué des serviteurs de l’homme.
Plein de noblesse, de feu, de fierté, de légèreté, de prestesse, de beauté, de grâce, dans sa douce et chaude patrie, il a, en s’éloignant, perdu de ces qualités à mesure qu’il a trouvé des climats moins chauds, moins secs, et des maîtres moins doux, de manière à former diverses races et à dégénérer au point de devenir le pauvre animal rabougri qui porte l’enfant du Parisien dans ses promenades et les fardeaux du pauvre dans les chaumières.
L’Arabe l’estime et l’aime, le soigne comme ses chevaux, et il l’achète quelquefois plus cher.
L’Égyptien attache son opulence à sa possession; il le lave et le panse avec amour.
Le riche pèlerin Musulman qui visite la Mecque, le chef de la caravane qui traverse les déserts n’a pas de monture plus affectionnée. […]
L’Europe connaît aussi de belles races d’ânes, surtout l’Italie et l’Espagne. Là il promène gravement la sainte personne des prélats; ici, chargé du doux fardeau d’une belle dame de Cadix ou de Lisbonne, il marche, fier de son emploi et des rubans qui parent ses oreilles et sa queue, suivi d’un domestique armé d’un bâton inutile. […]
L’âne est fait pour porter les herbes à la ville, courir de porte en porte et puis, à son retour, rapporter le fumier qui rend le champ fertile.
Il porte, il tire, il pâtit avec une patience admirable. On ne peut sans attendrissement le voir, dans quelques provinces, attelé avec une femme et un enfant, traînant une petite charrue sur une terre ingrate.
J’ignore qui est ce Paul de Lanoue. En 1889, un homme du même nom habite dans le canton de Ditton [aujourd’hui la municipalité de La Patrie] sur la rive sud du Saint-Laurent. Et un autre, peut-être est-ce le même, aurait été rédacteur de l’ouvrage Le Guide français de la Nouvelle-Angleterre et de l’État de New York, publié vers 1889.
Dans l’illustration ci-haut, quelques personnages de la crèche de l’église Saint-Sauveur à Québec, on voit que l’âne n’a de yeux que pour la belle Marie.
Merci pour ce beau texte sur les ânes. Comme j’aime cette bête aussi noble que humble, aussi connue dans le monde que méconnue en Amérique du Nord.
Il existe un (peut-être des) refuges pour ânes, dont les maîtres ne veulent plus, et où il est possible d’en choisir un à marainer ou parainer . Cela aide le refuge et on peut aller le câliner aussi souvent qu’on le veut. De mémoire, il en existe un en Ontario tout près de la frontière en allant vers Rigaud. Il en existe plusieurs en Europe.
Par ailleurs, on dit de lui qu’il est aussi intelligent que sensible même s’il est habituellement soumis, à preuve cette histoire. Un âne chargé de porter chaque jour des charges terriblement lourdes sans jamais de répit à l’aller et au retour dans une côte à pic depuis des années, décida un jour comme il redescendait le chemin escarpé et qu’il était roué de coups. Donc notre âne, regarde tranquillement le précipice, puis la pente et son maître vociférant et fait sciemment un pas de plus, dans le vide, et choisis de se jeter du haut de la falaise plutôt que de continuer sa vie sans espoir.
Souhaitons que l’âne se fasse connaître et aimer dans nos campagnes du Québec !
J’aime beaucoup l’âne. Lorsqu’il me fut donné de l’observer en Europe, c’est comme si je voyais qu’il avait tout le poids du monde sur ses épaules depuis des siècles. C’est vraiment une belle bête dont il faut absolument prendre soin.
Voici le site du refuge pour ânes au Québec. Bonne promenade!
http://www.anesduquebec.com/
Merci beaucoup. Dites donc, ce site que je ne connaissais pas est bien riche.