Un lézard dans le robinet
Le quotidien montréalais La Patrie a décidé, le 14 avril 1909, d’avertir son public lecteur sous le titre «L’eau que nous buvons».
Il est toujours ennuyeux de trouver son robinet d’eau bouché, mais, quand cet accident arrive à un barbier-coiffeur, il prend des conséquences bien plus graves.
Imaginez-vous la tête que fait le barbier quand une fois son client rasé, shampooné, massé, il va ouvrir le robinet et n’en voit rien couler. Mais s’il court au plus vite chez son voisin chercher un peu d’eau, le client s’exaspère, il proteste et le pourboire s’en ressent.
C’est pourtant l’accident qui est arrivé à M. Ménard, maître-barbier, 734 rue Sainte-Catherine Est.
En trouvant que son robinet ne coulait pas, il accusa d’abord la corporation. Lui qui a depuis longtemps payé son eau s’étonnait justement de cette injustice à son égard et il téléphona à l’Hôtel-de-Ville. On lui répondit là que son eau devait couler comme celle de tout robinet qui se respecte et il essaya de nouveau : Pas encore d’eau.
On souffla dans le tuyau, on y créa une pression artificielle et on obtint pour résultat la sortie du plus gentil petit lézard qui se puisse imaginer.
L’animal a environ trois pouces de long, la tête légèrement aplatie et de minuscules pattes ainsi qu’une queue effilée. C’est le lézard vert, seulement, en petit.
Par quel charme et par quel pouvoir ce saurien est-il passé dans les tuyaux de l’aqueduc, c’est ce que nous ignorons et ce qu’ignore aussi M. Ménard, mais tout ce qu’on sait c’est que le lézard est sorti vivant du robinet et qu’il n’a rendu le dernier soupir qu’au bout de quelque temps….
Les citoyens apprendront avec plaisir qu’on peut, d’un moment à l’autre, avaler un petit lézard semblable à celui que représente la vignette. Ils seront plus à même de juger sur l’opportunité d’établir des filtres à l’aqueduc.