Descentes dans des fumeries d’opium montréalaises
En 1905, la police montréalaise entreprend une guerre à l’opium. Des descentes font la une de La Patrie du 6 avril 1905.
L’inspecteur Legget, le capitaine Millette et vingt gardiens de la paix [habillés] en bourgeois ont opéré des descentes de police à minuit hier dans trois fumeries d’opium du quartier chinois. L’heure était propice puisque la police a mis le grappin sur treize jeunes gens dont l’âge varie de 20 à 30 ans. Tous ces jeunes étaient étendus sur des nattes en train de fumer de l’opium. Un certain nombre qui apparemment venaient d’entrer attendaient leur tour, car les Chinois étaient très occupés à préparer les pipes, à faire fondre les boulettes, etc.
Le manque d’air, l’odeur suffocante des pipes firent tourner le cœur à quelques agents qui furent obligés de sortir prendre un peu l’air. Dans l’un de ces établissements se trouvait un homme de couleur, vêtu comme une carte de mode, lequel semblait fier de sa virtuosité à fumer la «pipe de rêves». Dans une autre de ces fumeries, un jeune homme fut trouvé parfaitement inconscient. Il semblait plutôt bon pour l’ambulance que pour le panier à salade de la police.
La police saisit le matériel des fumeries comprenant pipes, pipettes, boules d’opium, lampes, etc. Tous ces articles ont servi de pièces à conviction ce matin, quand ces messieurs ont comparu devant le recorder Weir.
Les fumeries dans lesquelles la police a opéré des descentes la nuit dernière sont celles de Lee Chong, 572 rue Lagauchetière, connu dans le monde spécial des morphinomanes sous le nom de guerre de «Candy man». Treize hommes, y compris trois blancs, furent mis en état d’arrestation.
Cheu Cheu, 52 rue St-Charles-Borromée, où la police arrêta treize hommes, y compris six Chinois.
One Wing, 69 rue St-Urbain, où la police arrêta treize hommes dont cinq Chinois. […]
Les prisonniers furent conduits au poste de la rue Chenneville et au poste de la rue Ontario. Quand ces messieurs eurent décliné leurs noms et prénoms, ainsi que leurs adresses, on constata qu’il se trouvait parmi eux un certain nombre de jeunes gens appartenant aux meilleures familles, dont quelques-uns occupent des situations honorables et enviées dans quelques-unes de nos principales maisons de commerce de la ville. […]
Il est à remarquer que c’est la première fois que l’on a l’occasion d’appliquer l règlement de police No 327 dont l’objet est la répression de la vente, de la consommation de l’opium dans les bouges du quartier chinois.
On sait que le greffe de la cour du recorder a déjà fait faire une descente de police dans une fumerie chinoise. Les gens trouvés dans cet établissement ainsi que le patron furent arrêtés et poursuivis en vertu de la loi règlementant le commerce des produits pharmaceutiques.
Ainsi l’autorité se trouvait pour ainsi dire dans l’impuissance de réprimer ou tout au moins d’enrayer le terrible fléau, dont les ravages sont beaucoup plus considérables qu’on serait tenté de le croire au premier abord.
L’illustration provient du site Chine informations.