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Les grandes chaleurs

En 1904, on connaît un été de grandes poussées de chaleur. Ce qu’il fait chaud, s’exclame le chroniqueur Léon d’Ornano dans l’Album universel du 4 août.

Ceux de mes lecteurs qui ont été élevés à la campagne n’ignorent pas que le plus élémentaire et le plus sûr des baromètres est encore une toile d’araignée tendue en plein air.

Lorsqu’il doit faire de la pluie ou du vent, l’insecte raccourcit beaucoup les derniers fils auxquels sa toile est suspendue, et la laisse en cet état tant que le temps reste variable. Si l’araignée allonge ses fils, c’est signe de temps beau, calme et chaud; sa durée pouvant être jugée d’après la longueur de ces mêmes fils.

Or, je n’ai malheureusement pas de toile d’araignée devant moi, mais je suis certain que les fils que tissent les arachnides doivent être présentement d’une longueur peu commune, s’ils sont en raison directe de la chaleur que nous prodigue l’astre du jour.

Quelle température, mes amis ! C’est à se demander si notre beau Canada n’a pas subrepticement glissé vers l’équateur.

Ce que nos magasins de lingerie doivent débiter de mouchoirs, de ce temps-ci, ce n’est rien de le dire, à en juger d’après le nombre de citoyens à faces congestionnées qui vont s’épongeant le chef le long des rues.

Les amateurs de «bains de lézards» doivent être satisfaits; quant à ceux qui aiment le frimas, je les plains sincèrement.

Vrai, ce n’est pas qu’à Paris qu’il fait chaud, car là-bas aussi on se récrie contre les ardeurs du soleil. Et, comme en France toute prête à la chanson, on aiguillonne la verve poétique, voici comment un poète de la Ville-Lumière blague l’astre vivifiant par excellence :

Eh ben ! il s’en paie une tranche,
Le soleil de cet été-ci !
On est brûlé, rôti, roussi;
Depuis l’abricot sur sa branche
Jusqu’aux feuilles de l’artichaut.
Ah ! qu’il faut chaud !

C’est l’universelle complainte
Que récite le genre humain !
Un mouchoir humide à la main,
Chacun clame et redit sa plainte
À pied, en voiture, en bachot;
Qu’il fait donc chaud !

Inutile d’ajouter que nous sympathisons, en la circonstance, avec nos cousins d’outre-mer; nous qui vivons en un pays au climat excessif, nous que le froid pince autant que la chaleur nous pique. Fort heureusement, de belles campagnes ombreuses se trouvent à proximité de nos villes. Aussi, une fois sortis à demi cuits des bureaux et des ateliers, nos citadins se hâtent-ils d’aller respirer de frais effluves sylvestres au bord d’un cours d’eau quelconque.

 

L’illustration ci-haut propose tout pour un moment agréable. Un apéro, une partie de cartes, même un repas en tête-à-tête sur la galerie du Kent House, aujourd’hui le manoir Montmorency. Au loin, le long du Saint-Laurent, se profile l’île d’Orléans. Le bruit que nous entendons à proximité est celui de la chute Montmorency, aux eaux nourries par la neige des montagnes à l’arrière et les pluies.

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