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Bel enfant, en ce siècle d’inventions, songes-tu à te faire inventeur ?

Vois ce texte de celui qui signe L. Pollion, ingénieur, dans Le Monde illustré du 12 juillet 1884. Il y aurait peut-être là de précieux conseils. Qui sait ?

De même que l’on naît poète, musicien ou peintre, de même on naît inventeur; et la preuve c’est qu’un inventeur, père d’une seule invention, est un phénomène à peu près introuvable. En toutes circonstances, vous le verrez se refuser à exécuter une chose comme tout le monde et imaginer toutes sortes de combinaisons plutôt que de suivre des chemins battus. C’est son tempérament; et l’exagération de cette tendance est presque toujours un écueil pour lui.

Mieux vaudrait, en effet, se borner à la conception et au perfectionnement d’une seule découverte profitable que de se laisser aller à cette production à jet continu d’ébauches imparfaites.

Mais enfin, empêcher un chercheur de chercher est aussi malaisé que de faire imaginer quelque chose par celui qui n’a point d’imagination. Chacun doit suivre les lois de la nature, autrement dit sa vocation.

Quoi qu’il en soit, quelles sont les qualités morales les plus nécessaires à l’inventeur ? Que doit-il être d’abord ? Que doit-il faire ensuite pour mettre son invention debout ?

L’inventeur doit avant tout à notre avis :

1. Être modeste et fort; c’est-à-dire que tout en possédant cette foi robuste qui dédaigne les ennemis et les obstacles, et ne les prend pas pour ce qu’ils sont, il ne doit point s’illusionner cependant sur la portée de son intelligence, ni sur la valeur réelle de ses conceptions. Ces choses paraissent contradictoires au premier abord, mais il n’en est rien.

2. Posséder une instruction fondamentale solide dans les sciences dont relèvent les sujets de ses études, dans les sciences exactes, comme on dit quelquefois. Si l’instruction première lui a été refusée, il gagnera du temps à commencer par l’acquérir, bien loin d’en perdre. Rien ne sert de se mettre en route sans carte dans un pays inconnu. ni de s’aventurer dans les ténèbres.

3. Consulter les travaux de ses devanciers — Nihil sub sole novum — Cet adage se vérifie en matière d’inventions encore bien plus souvent qu’on ne le croit; et le nombre est grand de ceux qui perdent des années à s’acharner après des filons de mines épuisés, alors qu’il leur aurait été facile de faire autre chose.

4. Étudier son invention à fond et la retourner sous toutes ses faces. Ici, encore, le temps en apparence perdu est généralement du temps gagné; et si l’âge d’or des bénéfices est tant soit peu retardé, il y a bien des sommes économisées, bien des déboires évités, bien du gaspillage supprimé.

5. Tâter l’opinion publique et écouter les réflexions de monsieur tout le monde, réflexions dont il faut savoir prendre et laisser.

6. Se mettre en relations avec un constructeur dont la compétence et la loyauté duquel il puisse avoir toute confiance et refaire avec lui l’étude de l’invention au point de vue de l’exécution et des détails; puis enfin passer à la période d’activité, expérimenter ses appareils et en organiser, d’accord avec le constructeur, l’exploitation commerciale.

 

La photographie ci-haut est de Jean-Pierre Daigle, Trifluvien décédé au début des années 1980. Il raffolait de ce mode d’expression.

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