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Comment laisser passer cet article sans l’épingler sur le babillard ?

Je ne veux pas laisser tomber dans l’éternité des mots perdus cet article du quotidien montréalais Le Devoir du 26 juin dernier. La journaliste Isabelle Paré y signait un texte important : «Gaz de schiste : la biodiversité laissée pour compte».

Il y a peu se tenaient l’enquête et les audiences publiques sur les enjeux liés à l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste dans les basses-terres du Saint-Laurent, les terres les plus riches du Québec. Or, l’Association des biologistes du Québec (ABQ) s’alarme, mais pour des raisons autres que la contamination des nappes phréatiques. À ce jour, on n’avait pas discuté de cette exploitation en surface des sols. Le Comité de l’évaluation environnementale stratégique (ÉES) sur le gaz de schiste, dont le rapport de synthèse a été rendu public en février dernier, avait complètement occulté la conséquence suivante.

« Des biologistes, selon madame Paré, affirment que l’exploitation du gaz de schiste menacerait à moyen terme la biodiversité dans la vallée du Saint-Laurent, où le déploiement de routes et d’infrastructures industrielles entraînerait la fragmentation des habitats d’espèces animales et végétales et l’introduction d’espèces exotiques envahissantes. »

« On a beaucoup parlé des enjeux liés aux nappes phréatiques, à la pollution de l’air, aux gaz à effet de serre, et des risques d’accidents et des impacts sur la santé humaine, mais il ne faut pas sous-estimer ceux qu’auront toutes ces infrastructures sur la faune et la flore. On ne doit pas seulement se préoccuper de ce qui se passe dans le sous-sol, mais aussi de ce qui se passera sur la terre ferme. Cet angle-là n’a pas été assez étudié », a insisté mercredi Patrick Paré, vice-président aux communications de l’ABQ.

Et la journaliste de poursuivre : Les scénarios présentés jusqu’ici au Comité de l’évaluation environnementale stratégique sur le gaz de schiste estiment qu’environ 1 580 plateformes d’un à deux hectares seront requises pour l’exploitation du gaz et des milliers de kilomètres de routes devront être reconstruits pour en assurer le transport.

« Ces infrastructures vont engendrer une importante fragmentation des habitats, avec toutes les conséquences sur les écosystèmes, et ce, particulièrement dans les massifs forestiers actuellement peu fragmentés », lit-on dans le mémoire l’Association des biologistes du Québec.

Ces activités industrielles pourraient entraîner la rupture de corridors fauniques essentiels au maintien de certaines espèces, notamment des amphibiens, des reptiles et des mammifères.

Même si la superficie affectée par l’implantation de plateformes de forage, de routes d’accès ou de gazoducs ne représente pas une grande portion du territoire, l’impact de la fragmentation pourrait être majeur pour plusieurs écosystèmes. Selon une étude menée dans la région de Lotbinière-Bécancour et citée dans le mémoire, l’exploitation gazière n’entraînerait la perte que de 1 % de l’habitat forestier, mais augmenterait de 20 % le nombre des parcelles créées par la fragmentation.

Bien documenté, le phénomène de la fragmentation des habitats fauniques limite les déplacements et, à terme, la reproduction des espèces. Ces deux effets combinés engendrent une perte de la diversité génétique chez les populations animales cloisonnées dans des parcelles, qui est susceptible de les rendre plus vulnérables, notamment aux maladies.

« L’exploitation du gaz de schiste dans la vallée du Saint-Laurent, déjà affectée par l’urbanisation et l’agriculture, décuplerait le nombre de parcelles », affirme Patrick Paré.

L’autre phénomène craint par les biologistes est l’introduction d’espèces exotiques envahissantes, que favorise la percée de routes et de plateformes dans les zones boisées. Plusieurs espèces animales et végétales agressives profitent de ces couloirs de prédilection pour rivaliser avec les espèces locales. On compte, parmi ces intrus végétaux, la renouée japonaise et le phragmite commun, deux espèces qui viennent bouleverser l’équilibre d’écosystèmes fragiles et, à terme, la survie de certaines espèces animales.

« Les espèces exotiques envahissantes sont une des principales sources de la perte de biodiversité dans le monde », insiste le mémoire.

* * *

Ce discours absolument important me plaît tant, me référant à mon lieu de vie à la campagne. Quand j’ai acheté l’endroit en 1976, tout le bois avait été rasé, sauf les grands peupliers baumiers en bordure de la route, quelques arbres modestes à l’avant, entre la maison et la route, et la friche à l’est de la maison composée de cerisiers à grappes et de pimbina. L’humain y était passé.

Après quelques jours, nous avons découvert qu’un vieux verger, perdu dans cette broussaille, s’y cachait. Aussi l’avons-nous d’abord libéré. Dans la cour arrière, un groseillier avait peine dans les herbes hautes. Et le plant de rhubarbe donc. Pour le foin, autour de la maison et devant la grange, nous avons travaillé à la faux, faute d’argent pour une tondeuse.

Et puis lentement, en 38 ans quand même, j’ai vu la vie se rebâtir, par elle-même, y allant de «victoires», parfois spectaculaires, d’autres moins visibles, dans ce milieu, si nu, si rupturé, si abandonné, si sans avenir au départ. Son caractère premier, d’être humide, lui a sans doute donné la poussée de départ. Et, sauf pour le verger, des espaces originales se sont précisées, étonnamment d’elles-mêmes. J’ai vu se multiplier, avec patience, les espèces vivantes, la faune, la flore et ses insectes, en lien les unes avec les autres, alors que, tout autour, on pratiquait la grande agriculture, la monoculture. J’ajoute aussi que, lorsque mon amie Christiane, comme son chum grande amoureuse des plantes, venait, elle ne manquait jamais d’en apporter. Si bien que sa venue nourrissait la variété. Et je vois bien comment ses fleurs font le bonheur des pollinisateurs depuis son passage.

Aujourd’hui, c’est bien cet endroit toujours si humble, mais qui est devenu, pour qui observe, le haut lieu de la biodiversité aux alentours, un grand bateau porteur de vies diverses.

Ces biologistes ont tout à fait raison. Brisant ces espaces de vie des basses-terres du Saint-Laurent, causant un lot de ruptures, il sera bien long avant de retrouver leur richesse d’aujourd’hui… si bien sûr la vie y arrive. Ils ont franchement raison !

 

La photographie, attachée à cet article de madame Isabelle Paré, est de Jacques Nadeau du journal Le Devoir.

Le Pays de nulle part en 1976

Le Pays de nulle part en 1976

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