La folie parisienne des bonsaïs
Le quotidien montréalais La Patrie du 10 avril 1902 affirme que les Parisiennes de la haute société sont entichées du bonsaï. Et c’est l’écrivain et officier de marine Pierre Loti qui aurait parti le bal.
Savez-vous quelle est, pour l’instant, la dernière passion des dames du grand monde à Paris ? Elle la doive, paraît-il, à M. Pierre Loti, qui l’aurait rapportée, avec ses bagages, de sa dernière excursion en Extrême-Orient.
À quelques-unes d’entre elles, le brillant écrivain aurait donc offert — à titre de souvenir de la campagne de Chine — certains de ces arbres nains, que les Célestes s’entendent à comprimer, torturer, rabougrir, avec la même science et la même patience qu’ils apportent à déformer les pieds de leurs futures épouses.
Chênes avortons, cèdres miniatures — qu’un cruel caprice a contorsionnés comme une souffrance et contraints à pousser dans des vases de porcelaine — poiriers blancs, gros comme le poing, pêchers roses, que l’on pourrait presque monter en épingle, tel est l’engouement du jour à Paris.
Rien ne flatte plus l’orgueil d’une grande dame parisienne que de pouvoir agrémenter sa table de ces minuscules ancêtres, dont quelques-uns ont jusqu’à trois cents ans d’existence. Ce n’est pas précisément beau; mais c’est rare — et c’est là ce qui en fait tout le prix.
Celles qui n’en ont pas voudraient bien en avoir. Aussi, est-ce à qui se ménagera quelque intelligence parmi les membres de la légation de France à Pékin pour se faire expédier, par le prochain paquebot, quelque spécimen de cette flore si savamment contrefaite.