Ne touchez pas à la chanson «Un Canadien errant»
Le 9 janvier 1892, le curé de Fort Kent, dans l’État du Maine, François-Xavier Burque écrit à l’hebdomadaire Le Monde illustré pour proposer une nouvelle version de la chanson «Un Canadien errant». On devrait, selon lui, la changer de telle manière que les Québécois n’aient plus envie de partir vivre en Nouvelle-Angleterre. « Je serai heureux, écrit-il, si ces lignes pouvaient détourner quelques-uns de nos bons Canadiens, n’en serait-ce qu’un, de l’idée fatale de s’acheminer vers les États-Unis, cette terre plutôt d’exil que de liberté. »
Or, ce cher homme s’attaque à un monument de la chanson québécoise. Deux semaines plus tard, le 23 janvier, toujours dans Le Monde illustré, le jeune poète et essayiste Germain Beaulieu (1870-1944) le rappelle poliment à l’ordre.
Je loue hautement l’intention du digne prêtre, je reconnais l’ardent patriotisme qui le fait agir et je l’en félicite de tout mon cœur. Mais qu’il me permette de dire que je ne suis pas de son opinion lorsqu’il s’agit de défigurer le chant de [Antoine] Gérin-Lajoie. Le Canadien errant est une de ces romances sublimes de naïveté et de sentiment qui doivent rester intactes dans la mémoire d’un peuple : vouloir les changer, les modifier, c’est leur ôter toute leur grâce, toute leur originalité charmante, en un mot c’est vouloir indirectement les anéantir.
Il ne manque pas de chansons qui puissent porter dans le cœur de nos frères de là-bas le regret du pays et le désir d’y revenir. S’il en manquait ou si l’on en trouvait pas de propices aux fins que l’on veut obtenir, que quelque plume, mue par un cœur patriotique se dévoue noblement, et, nouveau Gérin-Lajoie, compose un de ces chants qui font tant tressaillir le cœur : il n’en doit pas manquer parmi nous.
Mais encore une fois, nous avons un bijou, le Canadien errant, soyons jaloux de le garder intact : n’y ajoutons aucune modification, quelque belle qu’elle soit; car autrement nous ne reconnaîtrions plus bientôt l’original et, chacun y apportant sa strophe, notre Canadien errant, tel que l’a fait Gérin-Lajoie, aurait perdu toute sa vogue. […] J’espère que M. Burque conviendra de ces quelques remarques.
L’illustration de Siméon Marchessault, un des Patriotes de 1837-1838, un «Canadien errant», celui-ci exilé aux Bermudes, est parue dans le journal L’Opinion publique du 21 juin 1877. On peut la retrouver à l’adresse suivante : http://bibnum2.banq.qc.ca/bna/illustrations/htm/i3510.htm
Chère vous, avant et pour s’endormir maman nous chantait vers les huit heures du soir, la chanson du juif errant ou la complainte du petit crucifié.Sa voie était mélodieuse et la mémoire me flanche sur toutes les paroles.
Diable, chère Vous, il me faudrait retrouver ces deux chansons avec lesquelles votre mère vous endormait. Elles manquent à ma culture.
Le petit crucifier »
C’était tout au fond de l’Alsace
Sous le pauvre toit d’un hameau,
Où l’aigle noir a pris la place
Des couleurs de notre drapeau.
Là vivaient l’époux et la femme
Avec leurs fils, bambin charmant,
Mais le père comme un infâme
Acceptait le joug allemand.
Refrain
Et malgré son enfance,
En dépit du vainqueur,
L’enfant aimait le France
Dans son tout petit coeur.
La mère avait l’âme française.
À son enfant en le berçant
Elle apprenait la «Marseillaise»
Lorsque le père était absent.
Elle lui disait d’une voix fière
«Quand tu seras grand mon Louis
Tu repasseras la frontière
Pour servir ton ancien pays!»
Refrain
«Oh! oui mère chérie»
Disait-il tendrement.
«J’aime tant ma patrie
C’est aussi ma maman.»
Un jour rentrant à l’improviste,
Le père dans un coin obscur
Voit son fils, un petit artiste,
Faisant des dessins sur le mur.
Et c’était des braves, des braves,
Qu’il dessinait le cher enfant,
Des Turcos, des chasseurs, des Zouaves,
«Ah!» dit-il, «que fais-tu la Brigand?»
Refrain
L’enfant répond au traître,
«Des soldats triomphants,
C’est ce que je veux être
Lorsque j’aurais vingt ans.»
L’homme, d’une voix abrutie
Dit: «je suis allemand, tu sais,
Tu vas voir comment je châtie
Quelconque ose aimer les Français.»
L’attachant avec une corde
Ce vil serviteur des Germains,
Contre un mur sans miséricorde
Lui cloua les pieds et les mains.
Refrain
Et malgré sa souffrance,
L’enfant malgré ses pleurs,
Disait «Vive la France,
France, pour toi je meure».
Enfin, à ses appels suprêmes,
La patrouille accourt, O stupeur!
Les soldats allemands eux-mêmes
Semblent pétrifiés d’horreur.
Le courrant de baisers, sa mère
Dans ses bras l’emporte en pleurant
Et l’enfant fermant sa paupière
Disait encore en expirant.
Refrain
Adieu, France que j’aime,
Adieu, je vais mourir,
Mais je t’aime quand même
Jusqu’au dernier soupir………………………………………………………………..
………….Cette chanson je la sais par coeur depuis que j’ai six ans……..allez l’entendre sur le net…quelle horreur,
mais,
c’est très émouvant et horrible et cruel à la fois et ça n’aurait jamais du être parmi les comptines de ma mère.
Hé, merci, chère Vous ! Je ne connais pas du tout. C’est fort triste, en effet. Et c’est en lien avec l’article « Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine », l’article du 17 janvier.
J’ai surfer sur le net l’autre jour sur le canadien errant,a part quelque vieille versions dont celle de nana mouskouri,les plus récentes étaient de chanteur canadien-anglais chanter en français et la chanson est toujours aussi émouvante!
Absolument, cher Monsieur Gaudreault. Quelle magnifique chanson ! Et fort émouvante, comme vous dites.
Bonsoir
Que j’ai cherché cette chanson ! ma grand-mère maternelle la chantait (années 60) avec des vibratos douloureux que je n’ai pas oubliés. Nous avions quitté l’Alsace pour l’Algérie après 1870 par amour de la France pour rester français. (ça ne représente plus rien aujourd’hui…)
J’ai l’air de cette chanson toujours en moi et il n’a rien à voir avec le seul extrait que j’ai entendu chanté par un basque.
Notre Histoire de France s’évanouit dans l’indifférence générale et se dilue dans le glutamate de la mondialisation. ……………………
O la la, chère Madame Raveau ! Bravo d’avoir toujours en vous cette chanson jamais oubliée.