La fin du monde (première partie)
Je rappelais, le 15 novembre, que, dans la presse québécoise du début du 20e siècle, on aime beaucoup parler de phénomènes célestes. Et que les progrès de la connaissance depuis les 100 dernières années font qu’on lit avec plein d’attendrissement ce discours d’autrefois.
En 1899, un certain professeur Falb prévoyait la fin du monde pour le 13 novembre, au moment de l’éclatement de notre planète frappée par une comète plus grosse qu’elle. Rien de tel, bien sûr, ne s’est produit. Le 24 novembre, le journal montréalais La Patrie sent le besoin de reproduire un article du journal français Le Petit Parisien, une réponse à ce prophète intitulée La fin du monde. Un discours étonnant, qui montre qu’on s’interroge alors tout de même sur la fin des temps. Voici la première partie de cet article :
À prophète, prophète et demi, M. Foster, pour qui l’astronomie n’a pas de secrets, juge que les comètes ont plus à craindre de nous que nous n’avons à les redouter. Et, à la vérité, il faut bien constater qu’elles éprouvent parfois des malheurs.
C’est ainsi que cette comète de Biela dont on nous menace, ayant le 18 janvier 1846 rencontré un astre plus fort sur sa route, se brisa en deux. Quand les astres ainsi divisés reparurent en 1852, ils étaient à plus de 500,000 lieues de distance l’un de l’autre. Un divorce céleste ! Et, depuis, la partie de la comète qui revient de notre côté se désagrège de plus en plus.
En 1770, on put voir une comète s’égacer [sic] dans le monde de Jupiter, dont les satellites ne furent pas déviés; tout au contraire, c’est la comète qui dévia de son orbite.
Une comète, d’après M. Flammarion, vit quelques milliers d’années seulement, et peut-être moins encore quand ces astres sont faibles. Or, la durée d’une planète telle que la Terre, par exemple, peut être évaluée à plusieurs millions d’années. Une planète comme Jupiter a des dizaines de millions d’années d’existence assurées. La vie d’un Soleil peut aller jusqu’à plus de cent millions d’années. Tandis que les pauvres comètes s’évaporent, fusent, en quelque sorte, et se pulvérisent en étoiles filantes.
Respirons donc à notre aise. Depuis l’An mille, date où la fin du monde fût annoncée avec tant de bruit que le monde occidental tout entier en fut saisi d’effroi, la grande catastrophe nous a été, je le répète, trop de fois prédite pour que nous en prenions quelque peur.
On a bien vu en certains endroits se produire de petites paniques. En Tunisie, les Arabes ont manifesté des appréhensions; un peu auparavant, on avait signalé de Kharkow, en Russie, que les habitants des villages environnants erraient par les routes, épouvantés jusqu’à l’affolement, puisqu’ils ne réfléchissaient pas, ainsi qu’on l’a très bien fait observer, que si la fin du monde devait arriver ils n’échapperaient pas davantage au cataclysme en courant les chemins, et que le mieux était d’attendre philosophiquement la catastrophe chez soi. Mais ce sont là des faits isolés, et, si personne n’ose prétendre que la Terre sera éternelle, on sait bien qu’elle a encore du temps devant elle avant la culbute définitive à travers l’immensité de l’espace.
Demain : la suite de cet article du journal français Le Petit Parisien.
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