La Saint-Nicolas
Dans la presse québécoise du début du 20e siècle, je n’ai trouvé à ce jour qu’une seule mention de fête de la Saint-Nicolas. À Lévis. Et encore célèbre-t-on cette fête le 9 décembre, plutôt que le 6. C’est ce que laisse entendre le Quotidien de l’endroit le 10 décembre 1894 :
C’était hier la St-Nicolas, fête patronale des enfants qui fréquentent des écoles. Il existe une foule de légendes et de chansons sur saint Nicolas. Tous les enfants connaissent ce couplet :
Saint Nicolas, patron des écoliers,
Apporte-moi du sucre tout plein mon petit panier,
J’irai à l’école, j’apprendrai mes leçons,
Je serai bien sage, doux comme un petit mouton.
Cela dit, plusieurs prétendent que l’appellation de Santa-Claus est la contraction en anglais du mot Saint-Nicolas. Mais n’allez pas surtout pas dire cela au journaliste du Progrès du Saguenay, publié à Chicoutimi. Celui-ci distingue bien Saint-Nicolas de Santa-Claus. Le 13 décembre 1906, il se lance même dans une longue diatribe contre Santa-Claus, qu’il intitule précisément Guerre au bonhomme Santa-Claus.
De temps immémorial, le bon Saint-Nicolas a été le grand ami des tout petits. Dans la mère-patrie, il est encore le distributeur des faveurs de l’Enfant Jésus vers la fête de Noël. Comment en notre pays le bon Saint-Nicolas a-t-il été métamorphosé en vulgaire dompteur d’orignaux par nos compatriotes anglais, nous n’en savons rien; mais nous constatons avec chagrin que Santa Claus, d’origine saxonne, a perdu tout caractère de dignité et qu’il est devenu un épouvantail pour nos petits enfants.
Nous assistions l’an dernier au dépouillement d’un joli arbre de Noël. Les dames charitables qui l’avaient richement décoré et garni de jouets et de bonbonnières avaient invité tous les petits enfants du voisinage à venir voir le Bonhomme de Noël et recevoir de sa main un cadeau de circonstance. En effet, un jeune homme affublé d’un costume se rapprochant de celui du vulgaire bonhomme Santa Claus fit irruption dans le salon. Ce fut un cri de terreur de la part des petits enfants, garçonnets et fillettes. Tous restèrent cloués à leur place, ou se cramponnèrent à leur maman. Il fallut les prier, les gronder même, pour les faire approcher du bonhomme.
Il eut été si naturel à ces chers enfants de s’approcher d’un Enfant Jésus qu’on aurait placé là près de l’arbre de Noël et de recevoir comme de sa main la bonbonnière ou le jouet convoité, et combien plus salutaire eut été l’impression sur ces âmes candides toujours ouvertes à l’affection et à la reconnaissance !
Depuis quelques années, plusieurs journaux ont protesté contre cette coutume tout à fait irrévérencieuse pour le bon Saint Nicolas. Espérons que nos confrères continueront à la flétrir. Une mauvaise coutume entre facilement dans le peuple, mais il est bien difficile ensuite de l’en déracinée. En effet, Saint-Nicolas étant devenu Santa Claus et ce dernier n’étant plus qu’un vil clown, nous devons le chasser de nos magasins et de nos demeures.
Pourtant, nous le verrons encore cette année dans nos journaux descendre dans les cheminées, conduire un équipage traîné par des orignaux, danser des rondes échevelées avec des filles encore plus échevelées, etc., etc. Vous le verrez accommodé à de nouvelles sauces. Qu’est-ce que ça leur fait à ces gens-là la mémoire de Saint-Nicolas ?
Mais que des catholiques traitent ainsi haut la main, dans un but de réclame, le doux évêque Saint-Nicolas, sous la figure d’un gros bonhomme à gros ventre et à grande barbe inculte, et dans un costume ridicule, c’est ce que nous ne pouvons pas comprendre; que des catholiques cherchent à substituer ce grossier personnage à l’Enfant Jésus pour la distribution des cadeaux à l’occasion des joyeuses fêtes de Noël et du Jour de l’an, c’est ce que nous comprenons encore moins; l’ignorance et chez un grand nombre le manque de sens catholique sont la seule explication de cette étrange aberration.
Depuis que cet article est écrit, nous avons lu dans « L’Évènement » et le « Soleil » que la Maison Paquet a fait une annonce genre mammouth au moyen du bonhomme Santa-Claus. Voilà où nous en sommes rendu ! Faudrait-il dès maintenant tirer l’échelle ?
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