Skip to content

Et voilà le Suisse !

Dans les nombreux «Tracts» de la Bibliothèque des jeunes naturalistes (Montréal, Société canadienne d’histoire naturelle, 1943), le douzième porte sur le Tamia rayé (Tamias striatus, Eastern Chipmunk). Le texte est du naturaliste Harry Bernard (1898-1979). Quelques extraits.

Le Suisse appartient au décor familier de nos paysages. On le trouve partout. Il est d’un brun grisâtre, marqué, sur le dos, par des raies blanches et noires, dans le sens de la longueur, d’où son nom : striatus, rayé. Le ventre est beaucoup plus pâle que le reste du corps, beige et même blanc.

Cet animal est extrêmement vivant. Il ne tient pas en place. Il va, vient, court, saute, tourne sur lui-même, se démène de cent façons et disparaît tout à coup avec la rapidité d’un éclair. Il est partout à la fois, veut tout voir, entendre, comprendre, désireux, selon la formule d’HORACE, de ne rien perdre du bien qui passe. Carpe diem [Cueille le jour présent sans te soucier du lendemain] pourrait figurer dans sa devise. Cependant, le vaste monde ne lui offre pas que de la joie. Étant petit, ses ennemis sont nombreux. Aussi se tient-il continuellement sur ses gardes. Agile et vif, il se méfie sans cesse de son entourage, et la moindre alerte le fait s’esquiver. Il est remarquable comme ce petit quadrupède, à peu après inoffensif et passionné de vie, doit couler des jours remplis de crainte. La menace constante d’être mangé par plus gros que soi plane sur sa tête. Il le sait. D’où ses manières furtives, inquiètes, hésitantes.

Même en s’amusant, ils ne perdent rien de leur prudence éveillée. Le moindre bruit, une ombre dont ils ne peuvent s’expliquer la raison, les font s’éclipser. Ils ne sont jamais loin d’un trou qu’ils connaissent, cachés sous des feuilles ou des branches. Never more than one jump from home, comme écrit John Burroughs.

L’animal vit dans un nid souterrain ou terrier, à deux ou trois pieds de la surface du sol. Un véritable labyrinthe de galeries secrètes y conduit, elles-mêmes reliées au monde extérieur par de nombreuses sorties.

Les ennemis des Tamias sont ceux des autres écureuils. D’abord les insectes parasites. Viennent ensuite le Chat domestique, qui ne lui laisse guère de repos, le Renard et surtout la petite Belette, les Éperviers, les Serpents et même les Grenouilles de fortes dimensions. Ayons garde d’oublier son cousin l’Écureuil roux, qui semble lui avoir voué une haine de tous les instants.

Le Tamias s’apprivoise facilement. Il suffit d’être patient avec lui, de l’attirer en lui offrant des friandises. Il est sociable et ne demande pas mieux que de se lier d’amitié avec l’homme. L’animal est très propre; il ne cesse de se laver la figure et de lustrer son poil. Lui qui passe la plus grande partie de sa vie sous terre, on ne le voit jamais souillé de boue.

 

Chez moi, je prends plaisir à photographier le suisse. Or, il est fréquent que, de retour avec les photos devant l’ordinateur, j’aperçoive sur son pelage des cicatrices, des traces venues sans doute de combats qu’il a dû mener pour survivre. Remarquez, par exemple, celui de la quatrième image, l’animal a perdu un morceau d’oreille droite. Même celui de l’image en majeur, la première, a l’oreille droite échancrée. Mais il y a pire. Il m’arrive de trouver dans la pelouse, des suisses morts, mais sans tête. C’est là sans doute le signe du passage de la Belette qui aime manger simplement la tête de ses victimes. Comme le dirait Bernard, la vie de suisse est un combat de tous les instants.

Publier un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Vous pouvez utiliser des balises HTML de base dans votre commentaire.

S'abonner aux commentaires via RSS