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Bonne fête à vous qui habitez le Québec !

Ou qui, parti, sentez vibrer en vous une appartenance québécoise.

En 1907, la fête nationale se célèbre sur deux jours à Montréal, dimanche et lundi, 23 et 24 juin. Sous le titre «La célébration de la fête nationale» à la une, le journal La Patrie du 24 juin 1907 évoque ces deux jours de fête.

La journée d’hiver a vu nombre de démonstrations patriotiques dans diverses parties de la ville et de la banlieue. Comme il avait été entendu, chacune des sections ou divisions pourrait célébrer séparément la fête nationale sans pour cela nuire en rien à la démonstration générale qui se fait aujourd’hui.

Ces démonstrations avaient un cachet de fête intime. C’était un groupe nombreux, bouillant de patriotisme, qui voulait prouver à la population de notre ville que le sentiment national est assez large pour se manifester deux fois à une journée d’intervalle.

Pour nous servir de l’expression des officiers d’une des sections, l’on voulait donner à la population de chacune l’occasion de se réunir et de s’amuser en famille. Beaucoup ne peuvent prendre part à la démonstration générale, et, de cette manière, chaque Canadien-français peut assister à une démonstration publique.

Aujourd’hui est véritablement la fête des Canadiens-français. C’est la célébration de la Saint-Jean-Baptiste. C’est la grande démonstration patriotique. Sous les voûtes de Notre-Dame, les citoyens venus de toutes les parties de la ville et de la banlieue se sont réunis dans un sentiment commun au pied des autels.

Ils se groupèrent d’abord au monument d’un brave, le monument Chénier, pour ensuite défiler aux sons de la musique jusqu’à l’église. La division Nord, dont le lieu de ralliement était au square Saint-Louis, la division Est, rassemblée au square Papineau, et enfin la division Ouest, après avoir parcouru Sainte-Cunégonde, la Pointe Saint-Charles, le quartier Saint-Joseph, sont venues prendre place tour à tour dans le rang qui leur était assigné.

Pendant la messe, un sermon où le patriotisme s’unissait au sentiment religieux a été prononcé par un prédicateur de renom. Puis la fête civile continua. Ce fut d’abord un banquet à l’hôtel Place Viger, et ensuite fête champêtre à l’île Sainte-Hélène. Là, des discours patriotiques rappelèrent aux spectateurs les gloires et les hauts faits, de même que l’avenir du peuple canadien sur le sol de ce pays.

La journée d’hier, pour n’être pas la fête officielle de la Saint-Jean-Baptiste, n’en a pas moins été marquée d’un caractère démonstratif. Les demeures étaient décorées. Sur les toits claquaient joyeux les drapeaux aux différentes couleurs. Des banderoles, des inscriptions étaient répandues à profusion. Dans les endroits où il y avait des processions, on aurait juré que les citoyens avaient lutté pour faire mieux que leurs voisins. On sentait dans l’air un air de fête et de réjouissance. On voyait que c’était bien la fête du peuple canadien-français. […]

 

Et une Saint-Jean sans feu de la Saint-Jean serait impensable. Le journal s’attarde à la description de cet événement au parc Lafontaine.

Grâce à une température idéale hier soir, la population se porta par milliers vers le parc Lafontaine, où s’allumèrent les feux de la Saint-Jean.

Le spectacle était vraiment féérique. Les résidences de la rue du parc Lafontaine étaient illuminées de lanternes vénitiennes et japonaises.

Trente mille personnes au moins ont visité le parc, hier soir.

Les toilettes blanches des dames avaient un éclat nouveau, embellies qu’elles étaient par les ampoules électriques qui projetaient une lueur diaphane dans les allées et sur le gazon. Il y avait du monde partout, mais le superbe champ de verdure qui entoure les deux petits lacs semblait être le rendez-vous favori de la foule.

Comme une armée rangée en bataille, cinq à six mille personnes avaient envahi les abords de l’avenue qui précèdent la partie découverte du parc où furent allumés les deux bûchers, sous la direction de M. Alban Germain.

En un clin d’œil, les flammes des deux brasiers montèrent dans le ciel. Des jeunes gens entonnèrent le chant patriotique et si beau «O Canada, terre de nos aïeux», de [Calixa] Lavallée.

Autour des bûchers, plusieurs officiers de l’Association St-Jean-Baptiste et échevins avaient pris place.

Quelques brefs discours patriotiques furent prononcés par des orateurs éloquents.

Les feux de la Saint-Jean ont obtenu un magnifique succès, et les organisateurs de cette fête de nuit méritent les félicitations les plus sincères du public.

 

Étrange, ce texte. On dirait une fatigue, une répétition des choses, année après année, sans jamais en venir à une discussion franche. Ou peut-être un grand je-ne-sais-quoi d’un immense mal-à-l’aise. En 1900, le 24 juin est une journée de semaine comme une autre. Voilà qu’en 1907, à Montréal, on la fête sur deux jours.

Appel. À vous qui habitez le Québec aujourd’hui, il nous faut reconnaître franchement que notre fête du 24 juin fut depuis quoi, près de 180 ans — 1834 — une fête approximative, une fête d’à peu près à quoi nous tenons, sans être capables que davantage. Si minoritaires dans ce coin de terre en Amérique — comme les chers Acadiens d’ailleurs et les chers Cajuns — que nous soyons aujourd’hui nés ici au Québec ou ailleurs, nous fêtons une succession, année après année, —oui, de gens qui ont perdu leur vie pour notre lieu de vie sur cette Terre, et chapeau, comme les Patriotes de 1837-1838, faudra toujours s’en rappeler — mais aussi une succession d’imprécisions, de flous, de mous. De choses perdues aussi, faut bien l’admettre, et imaginées par nous comme chant, comme images symboliques rassembleuses. Je pense à l’O’Canada, à la feuille d’érable, au castor, que nous nous étions appropriées d’abord, diable, mais aspirées par la suite, dirais-je, par un coin de terre, le Canada, sans guère de personnalité encore, sinon celle de la finance et de la politique, qui se cherchait bien davantage que la communauté québécoise. Et puis aussi, le 24 juin ici, sans drapeau, pas plus que le Canada d’ailleurs, nous sortions tout ce que nous avions comme drapeau, celui du Sacré-Cœur, le Red Ensign, le papal, et quoi encore. Quel mal-à-l’aise ! Toujours.

Sans blague, nous avons maintenant un drapeau québécois, mais il nous faudra un jour être capables de parler de tout ça entre nous qui habitons le Québec d’aujourd’hui pour une véritable fête nationale. Mettre fin à ce mal-à-l’aise que nous traînons sans jamais le nommer. Je m’en ennuie.

Je ne cherche pas de tribune. J’ai beaucoup donné. Et je me battrai toujours pour la langue française comme mode d’expression à l’ouest de l’Atlantique.

Bonne fête ! Bonne fête !

2 commentaires Publier un commentaire
  1. Nicole D. #

    Bonne fête nationale Jean avec tous vos oiseaux et les amis qui les aiment autant que vous !

    24 juin 2013
  2. Jean Provencher #

    Merci beaucoup, chère Nicole. Bonne fête à vous et aux vôtres !

    24 juin 2013

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