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À bas les locutions vicieuses

L’hebdomadaire L’Album universel du mois d’avril 1903 fait la guerre à ce qu’il appelle les locutions vicieuses. Il va de mot en mot, ceux débutant par la première lettre de l’alphabet, et propose des corrections.

ABANDER. — Ne dites pas ABANDER une foule contre quelqu’un, dites AMEUTER ou SOULEVER.

S’ABÎMER. — Au lieu de dire : Je me suis ABÎMÉ les mains, dites : je me suis BLESSÉ les mains.

D’ABORD QUE… — Cette espèce de conjonction doit être remplacée par PUISQUE. Exemple : PUISQUE j’y suis, j’y reste; et non pas D’ABORD QUE…

ABRASSE-CORPS. — Deux athlètes peuvent se battre à BRAS-LE-CORPS, mais non ABRASSE-CORPS.

ABRIER. — N’est pas français dans le sens de COUVRIR avec des couvertures. Ne dites pas : ABRIEZ-moi les pieds, dites : COUVREZ-moi les pieds.

ABUSER. — C’est formuler un anglicisme que d’employer ce mot dans le sens de maltraiter. ABUSER signifie TROMPER. Exemple : un charlatan ABUSE les badauds.

ACCOMODATION. — N’est pas français dans le sens de commodité, espace, confort. Encore un anglicisme. Ne dites pas : CETTE VOITURE MANQUE D’ACCOMODATION. Dites : Cette voiture manque de CONFORT. En terme de commerce, à l’anglicisme BILLET D’ACCOMODATION, substituez l’expression française BILLET DE COMPLAISANCE.

ACCOUPLER. — Vous ne pouvez ACCOUPLER des wagons de fret, bien que vous puissiez les ATTACHER.

ACCOUPLEUR. — En France, l’homme qu’on appelle, ici, à tort, un ACCOUPLEUR, est désigné sous le nom d’HOMME D’ÉQUIPE.

FAIRE ACCREIRE. — Nous pouvons faire ACCROIRE, mais non ACCREIRE quelque chose à quelqu’un.

ACHALER. — N’est pas français. Au lieu de dire : Cet homme m’ACHALE, dites : m’IMPORTUNE, m’INCOMMODE, ou me FATIGUE.

ACTER. — N’est pas français dans le sens de JOUER UN RÔLE sur la scène. Au lieu de dire : Telle actrice a bien ACTÉ, dites : a bien JOUÉ.

ADRETTE. — Dites : Telle personne est ADROITE ou HABILE, mais non ADRETTE.

AFFECTER. — Est un anglicisme dans le sens d’influencer. Exemple : ne dites pas : Personne n’AFFECTERA ma décision, dites : Personne n’INFLUENCERA ma décision.

AGETER, AGEVER. — À ces expressions vicieuses, substituez les mots ACHETER, ACHEVER.

AMANCHER. — Au lieu de dire : Tel gamin s’est fait AMANCHER, dites : s’est fait MALTRAITER.

S’AMANCHER. — N’est pas français dans le sens de S’HABILLER. Employez, de préférence, cette dernière expression.

À MATIN, À SOIR. — À ces locutions vicieuses, substituez les expressions suivantes : CE MATIN, CE SOIR.

AMIQUIÉ. — Certaines personnes persistent à traduire le mot AMITIÉ par ce terme vulgaire, mais c’est à tort.

ANBANDONNER. — Expression à corriger. Écrivez et prononcez : ABANDONNER.

ANGLIFIER. — Ne dites pas : Ne nous laissons pas ANGLIFIER. Dites : ne nous laissons pas ANGLICISER.

ANPAUVRIR. — Est la corruption d’APPAUVRIR. Au lieu de dire : L’esprit de luxe ANPAUVRIT nos familles, dites : L’esprit de luxe APPAUVRIT nos familles.

ANTICIPER. — Est un anglicisme dans le sens de PRÉVOIR, ENTREVOIR. Ne dites pas : J’ANTICIPE que vous réussirez, dites : Je PRÉVOIS que vous réussirez.

ANVALER. — C’est à tort qu’on substitue ce mot à AVALER. Exemple : ne dites pas : Mon chien a ANVALÉ un os; dites : Mon chien a AVALÉ un os.

APARCEVOIR. — Telle est la corruption trop bien connue du verbe APERCEVOIR. Au lieu de dire : Devinez qui J’APARÇUS dans l’ombre; dites : Devinez qui J’APERÇUS dans l’ombre.

APOLOGIES. — Voilà un anglicisme, si l’on emploie ce mot dans le sens d’EXCUSES. Ne dites pas : Je lui ai fait des APOLOGIES; mais dites : Je lui ai fait des EXCUSES.

APPARAILLER. — N’est pas français dans le sens de PRÉPARER, DRESSER. Ainsi ne dites pas J’ai fait APPAREILLER la table; mais dites : J’ai fait DRESSER la table.

 APPLICATION. — Encore un anglicisme lorsque ce mot est employé dans le sens de SOUMISSIONS, DEMANDE. Ainsi, au lieu de dire : J’ai fait APPLICATION, dites, par exemple : J’ai présenté une DEMANDE, ou une SOUMISSION.

AUX AGUETTES. — Remplacez cette locution par l’une ou l’autre des suivantes : AUX AGUETS, À L’AGUET.

 

P.S. Dans les pages de L’Album universel du 25 avril 1903, Léon Ledieu se permet ce commentaire que j’aime bien. Il écrit que certains de ces mots, comme adrête au lieu d’adroit, étaient parfaitement employés par de grands écrivains du 17e siècle. «C’est une ancienne orthographe et une vieille prononciation qui sont restées au Canada, comme en certaines régions de France. […] Quand les Canadiens disent «adrête»», il ne faut donc pas dire qu’ils emploient un mot patois, mais simplement un vieux mot dont l’orthographe et la prononciation se sont modifiés avec le temps, car les mots, comme les hommes, ont leur existence propre et subissent des changements avec l’âge.» Ledieu, originaire d’Arras, en France, et qui habite Québec, ajoute : « Autant je déteste la langue de nombre d’hommes de profession et de gens de nos faubourgs, autant j’aime entendre le parler des vrais habitants qui ont conservé un accent qui a son charme et des expressions, des archaïsmes qui ont pour moi une saveur, un goût de terroir que je ne saurais dire et que je ne voudrais jamais voir disparaître, car tout cela est encore un vague écho du vieux temps et une voix lointaine de la France.»

L’illustration provient de l’ouvrage Mon premier livre de lecture, textes de Marguerite Forest et Madeleine Ouimet, illustrations de Jean-Charles Faucher, Montréal, Librairie Granger Frères Ltée, 1964. Il s’agit d’un ouvrage approuvé par le Conseil de l’Instruction publique de Québec, à sa séance du 12 mai 1943.

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