Un optimiste comme on n’en voit guère maintenant
Durant les années 1970, est apparu un scientifique, poète, essayiste et chercheur américain, Lewis Thomas (1913-1993), d’un optimisme incroyable. Le lire encourageait.
Certaines de ses prédictions ne se sont pas avérées, mais son discours, comme celui de d’autres prévisionnistes, permettait d’espérer. Il avait déjà dit : « Lorsque notre propre Terre nous semblera moins étrangère, alors nous pourrons résoudre intelligemment nos problèmes planétaires, et nous laisser amuser et émerveiller sans effroi par les curieux mouvements de cet univers ma foi si complexe. »
À l’heure où nous parlons beaucoup de la mort, je retourne dans son ouvrage La Méduse et L’Escargot. Se basant sur le poème d’Oliver Wendell Holmes (1809-1894), « Le chef-d’œuvre du diacre, ou la merveilleuse carriole-à-cheval », il écrit que, née des rudes mains du diacre en 1755, l’année du tremblement de terre de Lisbonne, cette carriole mourut le jour du centenaire de la catastrophe, heure pour heure, en 1855. Citant Holmes, il dit que le jour venu sans larmes, ni gémissements, la pauvre carriole s’achevait comme crève une bulle de savon, petit tas bien fin de poussière, comme si on l’avait moulue au moulin.
Et Thomas d’écrire :
Mon vers préféré — comme si on l’avait moulu au moulin — est celui qui suggère que le vieillissement est un processus parfaitement ordonné, une espèce de dessèchement progressif et sans heurt, qui se termine par le plus naturel des événements.
La métaphore est belle, et c’est bien ce qui se produit quand meurt une vieille créature en parfaite santé, vieillard comme vieille éphémère. Sans l’intervention d’une force maligne de l’extérieur, ni d’aucun défaut intérieur. La mort elle-même est inscrite dans le système et peut se produire « d’un seul coup, d’un seul » comme un mécanisme à retardement, génétiquement programmé, à la fin de la période de vie normalement allouée. La puissance centralisatrice se dissout, les forces de cohésion qui maintenaient tout l’assemblage des cellules sont rompues, les cellules cessent de se reconnaître les unes les autres, elles n’échangent plus de signaux chimiques, la thrombose obstrue tous les vaisseaux qui éclatent, les bactéries accèdent librement à tous les tissus qui leur étaient interdits, les organites cellulaires se désagrègent ; rien ne tient plus, ce sont des millions de bulles qui crèvent en même temps.
Quelle merveilleuse façon de mourir !
Lewis Thomas, La Méduse et l’Escargot, Réflexions d’un biologiste, préface d’André Lwoff, prix Nobel de médecine, traduit de l’américain par Hervé Denès, Paris, Éditions Pierre Belfond, 1980, p. 187s.
Vous trouverez ici quelques billets sur Thomas et La Méduse et l’Escargot.