Le poète et romancier russe Boris Pasternak (1890-1960), sur une nuit d’hiver
Extrait du Docteur Jivago, Prix Nobel de littérature 1958 pour Pasternak. L’Union soviétique, le considérant « agent de l’Occident capitaliste, anti-communiste et anti-patriotique » lui interdit le retour en Union soviétique s’il part chercher sa récompense à Stockholm (voir sa page Wikipédia).
La nuit d’hiver
La neige volait, inlassable,
Partout volait.
La chandelle sur notre table
Brûlait, brûlait…
Comme en été les éphémères
Les flocons blancs
À la fenêtre de lumière
Venaient volant.
Ils la décoraient d’innombrables
Traits étoilés ;
La chandelle sur notre table
Brûlait, brûlait…
Sur le plafond couraient des ombres
De pieds, de mains,
Qui se croisaient dans la pénombre,
Tels nos destins.
Puis de petits souliers tombaient
Sur le plancher ;
Un pleur de cire sur ta robe
Qui s’épanchait…
Dans la rafale impénétrable
Tout basculait,
La chandelle sur notre table,
Brûlaient, brûlait…
Sur sa flamme soufflait un vent
D’ardeur étrange,
De grandes ailes se croisant,
Comme d’un ange.
En février d’interminables
Flocons volaient,
La chandelle sur notre table
Brûlaient, brûlait…
Anthologie de la poésie russe, Paris, Gallimard nrf, 1993, p. 359s. Édition de Katia Granoff, préface de Brice Parain.
La photographie de Pasternak apparaissant sur sa page Wikipédia fut prise durant les années 1930. Source : PereslavlFoto