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À quelques heures de Noël, l’écrivain et ornithologue James Macpherson LeMoine se lance dans les jurons

On lui en a passé la commande. L’écrit paraît dans le numéro de Noël du journal. Extraits.

Nos hardis « voyageurs des pays d’en haut » nous ont légué entre autres le pittoresque explétif : « Tors mon âme au bout d’un piquet ! » Je n’ai jamais pu me rendre compte comment l’opération se faisait. 

L’expression employée par les « coureurs des bois », « Mille tonnerres ! » pour donner du relief à leurs énergiques discours, rappelle la fameux juron des Allemands « Donnex » et « Blytzen », « Tonnerre et Éclairs ! » […]

Comme il y avait en France arrêts et tribunaux pour punir les blasphémateurs, on altéra donc la forme du juron ; on en  fit « Jarnibleu » en « Jarnicoton » L’origine de ce dernier est assez drôle. […]

Plusieurs jurons français nous viennent de la Normandie, de la Provence, du Languedoc, où ils prirent naissance. Le juron « Par le sang du Christ » se transforma en « Sacristi », pour éluder les lois pénales contre les impies. M. Lorédan Larchey fait mention d’une dame fort pieuse parmi ses connaissances qui, dans des moments d’émotion ou de surprise, s’écriait « Sapristi » ; mais, pour en adoucir la portée, elle y ajoutait : « Sapristi la rose », y mêlant cet emblème d’innocence et de pureté comme correctif. […]

« Le sacré nom de Dieu », ajoute M. Lorédan Larchey, donna lieu à bien des explétifs, entre autres « Sacré nom, Crénom, Nom de Dieu, Nom d’un petit bonhomme ! » étaient une allusion irrévérencieuse à Jésus Enfant. « Nom d’un petit bonhomme de bois » rappelait les sculptures populaires en bois représentant notre Sauveur enfant dans les bras de sa mère. […]

Chez nous, l’oreille populaire est chatouillée des consonances suivantes, léguées par les ancêtres d’outre-mer : « Parbleu ! Sacrebleu ! Sacrelotte ! Saperlotte ! » et même « Saperlipopette ! » Jolis jurons usités sans doute par les puristes et les euphémistes seuls ! ! !

Je me rappelle un bon vieux curé qui, pour donner du nerf à son pittoresque idiome, l’assaisonnait de l’explétif  « Sac à papier ! », juron que l’érudit Lorédan Larchey dérive de l’époque où les hommes de loi en France se montraient à l’audience munis de leurs brefs enfouis dans des sacs que le vulgaire désignait comme « Sacs à papier ».

Poursuivre davantage l’intéressante étude de l’antiquaire français me mènerait trop loin. Je m’arrête…

J. M. Lemoine.

 

Le Soleil (Québec), 23 décembre 1899.

Il est étonnant de constater que les jurons québécois d’aujourd’hui, nombreux quand même, diffèrent de ce que nous propose ici LeMoine.

Lorédan Larchey (1831-1902), bibliothécaire, fut spécialiste de l’argot français. Voir sa page Wikipédia.

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