Plusieurs paroisses du Québec ont bénéficié des services d’un cheval constructeur d’église
Du moins, les légendes courent à ce sujet. Et Trois-Pistoles, à 240 kilomètres à l’est de Lévis, le long de l’estuaire du fleuve Saint-Laurent, est l’une de ces paroisses. L’événement s’est passé au milieu du 19e siècle.
Voici les faits qu’on raconte à la veillée :
Les habitants de la paroisse des Trois-Pistoles se divisèrent en deux factions au sujet de la localité [sans doute l’emplacement] d’une église. Le curé de la paroisse et un bon nombre de ses paroissiens désiraient que l’église fût construite auprès du fleuve. L’autre faction voulait l’église à un mille du fleuve [un peu plus de 1, 6 kilomètre].
Les deux factions se mirent en frais de bâtir deux églises, l’une sur les rives du fleuve (elle sert actuellement de grange) et l’autre sur la côte.
Un jour, le bon curé remarqua un beau cheval tout noir qui passait tranquillement auprès de son église en construction.
Il lui fut facile de découvrir la présence du diable sous la forme de ce beau cheval noir.
Il eut pu l’envoyer paître avec un peu d’eau, avec un peu d’eau bénite, mais le curé était plus sagace que cela.
Il s’approcha de l’animal diable et réussit à lui passer son étole autour du cou.
L’ayant ainsi fait prisonnier, il brida la bête et s’en servit durant des mois pour charrier de la pierre pour son église.
Ce diable de cheval rendit de grands services ; il paraît qu’il transportait à lui seul, en une seule charge, autant de pierre que 12 chevaux pouvaient traîner.
On avait défendu à l’homme qui en avait charge de le débrider en aucun temps, sans la présence du curé. Mais un novice l’ayant conduit boire oublia l’injonction et lui enleva la bride pour le faire boire.
Le cheval profita de cet incident pour sortir de sa captivité. Il prit ses jambes au cou et la diable emporta le diable. On ne l’a point revu depuis lors.
Après son départ, les paroissiens réussirent facilement à ajuster leurs différends et on en vint à une entente.
Puisque le diable avait travaillé à l’église d’en bas, les paroissiens ne voulurent plus entendre parler de cette église, et aidèrent à ceux d’en haut à compléter leur bel édifice.
Le Soleil (Québec), 16 décembre 1898.
La sculpture du cheval noir devant l’église de Trois-Pistoles, une œuvre de Michel Bergstaler, rappelle la légende du cheval noir dans ce coin de pays. La photographie est d’Aurélien Pottier sur son site suivant.