Arthur Buies est mort
Bien oui, déjà, samedi, le 26 janvier 1901, le correspondant de La Patrie à Québec prévenait qu’il avait passé une si mauvaise nuit qu’on l’avait administré. Et il décède le soir du 26.
Quoi vous dire d’Arthur Buies (1840-1901) ? Il faut en parler, mais comment le résumer ? J’hésite tant, tellement son parcours est riche, malgré une vie courte. Loup solitaire d’abord. Privé de son père très jeune, attaché à sa mère. À la fort belle plume. Il a beaucoup aimé Québec et le Québec. Sûrement un être pas facile à vivre, car il se méfiait tant de la complaisance. Dans ses nombreuses Chroniques, on le lit, on l’aime, mais constamment, dirait-on, il nous envoie promener. Manifestement, la vie ne lui a pas semblé facile.
Il a beaucoup voyagé, mais il était ancré à Québec et meurt dans sa résidence de la rue D’Aiguillon. Cher Arthur. On le disait écrivain, journaliste, littérateur, géographe, et quoi encore. Mais, même là, il ne s’intéressait pas au titre. Comme si, constamment, il mettait des embûches à ce qu’on l’étiquette. C’est bien vrai qu’il n’aimait pas les étiquettes, les ralliés faciles.
Le 28 janvier 1901, le journaliste Arthur Dansereau écrit dans La Patrie :
Buies tomba dans une génération d’esprits supérieurs, qui firent l’honneur des lettres canadiennes : Chapleau, aussi bon écrivain qu’orateur, Oscar Dunn, Faucher de St-Maurice, Gérin, Provancher, Marmette, Lusignan, Elzéar Labelle, etc., tous partis. Il eut pu être l’astre central de cette pléiade; il ne fut qu’un brillant météore sans point de gravitation.
En vain, ses amis le supplièrent de changer sa méthode. Il était bien libre de ne pas croire, mais nous lui demandions, simplement, de ne pas faire de son incrédulité une spécialité agressive, qui n’était qu’un simple anachronisme en Canada, et de se mêler, comme les autres, au courant ordinaire de la vie intellectuelle et politique. La fougue, l’enthousiasme de la jeunesse prévalurent. En chien fou, duquel déborde la joie de vivre, il bondit, sans trop savoir pourquoi, dans l’abîme qui ne nous le rendit jamais intact.
Assombri par l’âge et l’expérience, il a, depuis quinze ans, fait de généreux efforts pour surgir du puits fatal et reconquérir l’occasion perdue. Trop tard : son milieu avait grandi et confié à d’autres les postes distingués. Il resta bien l’ami recherché, le compagnon spirituel, le boute en train des cercles intimes; mais, pratiquement, il ne put réussir qu’à jeter de la poésie dans un sujet bien aride : la colonisation. Au moins, le Canada a-t-il pu, grâce à lui, envoyer du bon français à l’Europe.
Ceci n’empêche pas que nos regrets accompagnent ce grand enfant, qui n’aura pas son égal de sitôt.
Cher Arthur.
De Buies, ce que j’aime particulièrement, ce sont ses Chroniques, difficiles à trouver aujourd’hui. Des mots accrochés au temps qui passe, jamais tant personnels. Sûrement qu’à un moment donné, nous reviendrons à ces Chroniques.
Au sujet de ce grand monsieur, voir absolument sa biographie de Francis Parmentier dans le Dictionnaire biographique du Canada : http://www.biographi.ca/009004-119.01-f.php?&id_nbr=6589
La gravure de Buies provient de La Patrie du 26 janvier 1902.
Dans sa librairie de la rue Saint-Jean, M. Jean-Jules Gingras offrait jadis de beaux livres d’Arthur Buies. Que sont-ils devenus?
Si elle existe encore, la maison d’Arthur Buies a-t-elle une plaque? Où se trouve-t-elle, rue d’Aiguillon?
Jean-Jules est décédé. Il était un des mes bouquinistes favoris. Sa sœur, qui avait pris en charge la librairie, est aussi décédée, je crois. J’ignore ce qui est advenu de ce fonds.
J’ai travaillé sur les épigraphes de la ville de Québec. Bien sûr, j’avais prévu à l’époque la maison d’Arthur Buies. Mais, vous savez quoi, Buies habitait dans la partie de la rue D’aiguillon à l’est de ce qu’est aujourd’hui le boulevard Honoré-Mercier, du côté du bel édifice de Joseph-Ferdinand Peachy, l’édifice du YMCA. Les maisons qui s’y trouvaient ont été rasées, je ne sais quand au 20e siècle, pour construire les édifices qu’on y trouve maintenant. Si bien que la rue D’Aiguillon débute aujourd’hui au coin d’Honoré-Mercier.