Les libellules sont des insectes peu connus
Dans le quotidien Le Monde, on pouvait lire cet été six articles sur le thème « Sur les traces des bêtes sauvages ». Le sixième apparaissait dans une des éditons du journal livrées cette semaine au Québec.
Le journaliste scientifique Nathaniel Herzberg a rejoint en Allemagne l’éthologue Martin Wikelski, qui a travaillé en 2006 à Princeton sur la côte est américaine.
À cette occasion, il a étudié, entre autres, ce qui guide les migrations des libellules. Car certaines migrent, mais on n’en connaît pas le nombre exact. Pour ce faire, Wikelski a collé sur le ventre de quatorze libellules un tout petit émetteur de 0,3 gramme. « Cela ne semble pas avoir entravé son vol », dit-il. On a pu suivre les insectes pendant dix jours et sur un rayon de 140 km.
Premier constat : les libellules migrent comme les oiseaux et les chauves-souris. Elles se fient sur la température et le vent. Elles ne volent jamais quand le vent dépasse les 25 km/h et privilégient les jours à faible vent (moins de 12 km/h). Elles peuvent s’arrêter plusieurs jours quelque part, puis redécoller le lendemain d’une nuit fraîche. Wikelski affirme : « Notre interprétation est qu’une nuit fraîche leur signale un vent du nord et leur permet donc de viser le sud ».
Lors de leur vol, elles aiment suivre les lignes géographiques, comme les bords des forêts, les berges des lacs et certains axes routiers. Parties des environs de Princeton, toutes celles qui ont atteint l’océan ont rebroussé chemin ou suivi la côte.
Au cours de cette recherche, la moyenne de 25 kilomètres de vol parcourus chaque jour par chaque insecte peut paraître modeste. Mais un des quatorze individus est quand même parvenu à voler 150 km d’une traite en une journée. Des vitesses de 50 km ont également été enregistrées. « Et nous n’avons pas sélectionné des champions », assure Martin Wikelski.
Voilà. Nous n’en savons guère davantage pour l’instant. Pondent-elles en chemin ? Font-elles un quelconque voyage de retour ? Qui migre et qui demeure sédentaire ?
Quoi qu’il en soit, c’est déjà ça. Et Nathaniel Herzberg a eu une fort bonne idée de joindre ce chercheur en Allemagne.
Et ce journaliste termine son article ainsi : Le brouillard risque de durer quelque temps. Après cette première, aucun spécialiste des libellules n’a pris le relais. Quand à Martin Wikelski, il est rentré en Allemagne exercer son talent sur d’autres espèces, des bourdons aux merles, des grues aux yaks. Ainsi va la science.
Nathaniel Herzberg, « Itinéraire d’un gros-porteur nommé libellule », Paris, Le Monde, édition du 12-13 août 2018, p. 24.