Pas facile la vie de plante
Francis Hallé est botaniste. Il fit rire de lui, par certains collègues, il y a quelque 20 ans, pour un livre qui démontrait que le temps était venu de secouer les puces de la botanique. Mais, aujourd’hui, on reconnaît la justesse de ses propos.
Retournons à cet ouvrage, costaud par moment, il faut l’admettre. Ici, en quelques lignes, on constate que la vie de plante n’est pas facile.
L’animal, on le sait, dispose d’une organisation et a un comportement qui le protègent, dans une large mesure, des agressions de l’environnement. Le sort de la plante diffère.
La plante répond à une autre logique : parce qu’elle est fixée dans un site qu’elle n’a pas choisi et dont elle est incapable de se sauver si les conditions deviennent défavorables, elle doit se contenter d’élaborer sa structure en fonction des opportunités offertes par le milieu.
Mais ce dernier change, et il s’agit de changements complexes où les alternances jour-nuit et hiver-été viennent se superposer à d’éventuelles modifications climatiques à long terme ; du fait de sa longévité indéfinie, la plante risque ainsi d’être victime d’accidents climatiques — sécheresse, feu, inondation, gel, foudre — ou d’attaques biologiques — parasites, prédateurs, pathogènes, compétiteurs — car sa structure est vaste, impossible à cacher, alléchante et très vulnérable.
Tout nu et tremblant, le grand chêne qui est devant ma fenêtre reste dehors pendant les nuits d’hiver, abandonné aux grands vents de mer et à leurs bourrasques de pluie glacée, tandis que dans mon logis lumineux, sec et bien chauffé, j’ai le loisir de réfléchir à cet étonnant contraste. Ce faisant, il me semble que nous ne faisons, ce chêne et moi, que traduire les évolutions opposées des plantes et des animaux. Ceux-ci se libèrent, celles-là subissent et s’adaptent.
Francis Hallé, Éloge de la plante. Pour une nouvelle biologie, Paris, Éditions du Seuil, 1999, p. 234.
À quelques reprises, nous avons évoqué sur ce site l’importance de ce botaniste français.