Voilà un astronome bien embêté
Rappelez-vous cette comète qui passa en octobre 1882. Voici qu’un ministre demande à l’astronome américain Benjamin Apthorp Gould (1824-1896) son avis sur la visiteuse. Gould s’impatiente.
Les savants sont quelquefois obligés de convenir qu’ils ne savent rien. C’est ce qui vient d’arriver à M. Benjamin Gould, directeur de l’observatoire de Cordoba.
M. Gould, observant le plus profond silence à propos de la comète, le ministre lui a adressé quelques questions auxquelles le savant observateur s’est empressé de répondre à peu près en ces termes.
« Vous me demandez ce que je pense de la comète. Je n’en pense rien, attendu que les astres errants ne sauraient éveiller que des idées pénibles. Quant à vous dire d’où elle vient et où elle va, je ne saurais le faire, attendu que je l’ignore.
« Il est possible que ce soit la comète de 1880, usée par le frottement et considérablement diminuée. Peut-être est-ce un vieil éclat de planète perdu dans l’espace depuis cent mille ans, à moins pourtant que ce ne soit autre chose.
« La comète, en s’approchant du soleil, a allumé ses feux, comme cela se pratique dans la navigation, puis elle a fait le tour de l’astre. Cette formalité remplie, elle s’en retourne, comme un pèlerin qui, ayant vu la Mecque et baisé la pierre sacrée, reprend le chemin parcouru. »
D’après les renseignements qui précèdent, il est permis de croire que la comète est venue dans l’unique but d’adorer le soleil et qu’elle est en train de rentrer dans ses pénates.
L’explication du savant observateur ouvre un horizon nouveau aux philosophes.
M. Burmeister, l’inventeur des arbres pensants, va sécher de jalousie en apprenant que les corps célestes se rendent visite et pirouettent les uns autour des autres en signe de bonne harmonie.
Espérons que M. Gould ne s’en tiendra pas là et qu’il publiera prochainement les discours prononcés lors de la rencontre des deux luminaires.
Le Canadien (Québec), 17 décembre 1882.
La gravure de Benjamin Gould apparaît sur la page Wikipédia qui lui est consacrée.