Peut-être que vous avez l’âge pour vous souvenir de grand-père Cailloux ?
Avec grande douceur, il racontait des histoires aux enfants à la télé dans son Grenier aux images. Il est né à Issoudun, dans l’Indre, en France en 1920 et est décédé à Sherbrooke en 2002.
Plein de talents il était illusionniste, chanteur, acteur, écrivain et scénariste, dit sa page Wikipédia. Par bonheur, j’ai pu mettre la patte pour à peu près rien sur son livre Fredons et couplets, illustrations de Frédéric Back, publié en 1958.
Voyez ce poème.
Octobre
Les tilleurs ont des taches de rouille.
Et la brise est plus fraîche au soir qui vient plus tôt.
Entre les vieux pignons l’hirondelle patrouille
Se préparant au grand départ. Sur les côteaux
Le sarment brûle en tas. La vendange est finie.
Des marrons éclatés nous roulent sous les pas.
La cloche a des regrets et les feuilles jaunies
Sont atteintes d’un mal qui ne guérira pas.
Il suffit d’une fleur dans la boue effeuillée
Et me voilà repris de l’étrange langueur
Dont le fade parfum de la terre mouillée
Me pénétrait jadis. O gringalet rêveur
(Ce n’était pas jadis, mais hier, ma parole.)
Je te vois renifler jusqu’à te faire mal
Cette odeur, et ta crainte, au retour de l’école,
Que la mort ait franchi le seuil familial.
Puis, brusquement, cessait l’angoisse insupportable.
« Pourquoi t’a-t-il fallu courir si vite encore
Grand fou, tu es tout pâle ! » O le nid confortable
Entre les bons murs chauds, cher paisible trésor
De tendresse et de joie à l’entour de la lampe !
Dans ce temps de répit concédé par la peur,
Faisant semblant de lire et les poings sur les tempes
Je savourais à plein mon fragile bonheur…
Votre ressouvenir, impressions d’enfance,
Invite à mieux jouir de la félicité
Car tout fuit et l’automne en sa magnificence
Nous fait mal oublier le départ de l’été.
La royale splendeur des frondaisons dorées
Déguise une agonie et que sont la douceur
Comme la volupté de ces calmes soirées,
Sinon l’ultime éclat d’une beauté qui meurt.
André Cailloux, Fredons et couplets, « Illustrations de Fred Back », Montréal, Beauchemin, 1958, p. 50.