Soirée hommage aux Patriotes de 1837-1838
En 1884, à Montréal, certains s’en prennent aux Patriotes. Pour répondre à ceux-ci, le Club national organise dans les locaux du journal La Patrie, propriété d’Honoré Beaugrand, une grande rencontre.
La salle de la Patrie était encombrée ; et nombre de personnes, qui n’avaient pas eu la précaution de se rendre un peu avant l’heure, ne purent trouver place à cause de la foule.
Après le président du club, Raoul Dandurand, se succèdent plusieurs orateurs. Et, bientôt, voici Honoré Mercier, qui sera premier ministre du Québec de 1887 à 1891.
L’apparition de M. Mercier fut saluée par une triple salve de bravos.
C’est un devoir, dit-il, un devoir sacré d’honorer la mémoire des grands hommes qui ont bien mérité de la patrie. Ce soir, nous venons remplir ce devoir envers ceux de nos pères qui ont versé leur sang pour notre émancipation. Il est étrange qu’après cinquante ans de régime libre, nous soyons forcés de protester contre des outrages faits à ceux qui nous ont conquis ces libertés.
Insulter la mémoire des patriotes de 1837, c’est cracher sur l’une des plus belles pages de notre histoire ; c’est jeter de la boue à la face de nos martyrs. Mais il est encore plus étrange de voir que ces injures, que cette boue trouve leur place dans un journal fondé par le patriote [Ludger] Duvernay [Celui-ci avait acheté La Minerve, déjà fondée].
M. Globenski veut réhabiliter la mémoire de son père, c’est tout naturel ; mais qu’il puisse se servir pour cela des colonnes de la Minerve, c’est inexplicable. La révolte de 1837 fut produite par la tyrannie de nos persécuteurs. Cette révolte a brisé nos fers. Avant 1837, nous n’avions qu’un seul droit, celui de nous soumettre. Depuis cette époque, nul peuple n’est plus libre que nous. Pourquoi ? Parce que nos pères, en donnant leur sang pour la liberté ont prouvé qu’ils étaient dignes de la posséder.
L’orateur évoque ici le souvenir de [Louis-Joseph] Papineau et de ses vaillants compagnons. Il passe en revue les principaux événements de l’époque — St-Denis, St-Charles, St-Eustache Il rend un hommage éclatant à [Jean-Olivier] Chénier.
Ce furent des héros, dit-il, et ils sont dignes de figurer sur le grand martyrologe de ceux qui ont conquis au prix de leur sang les privilèges dont jouit aujourd’hui l’humanité. Ils ont réellement fondé la nation canadienne, car ce n’est pas une nation qu’un peuple d’ilotes. Montrons-nous dignes d’eux en mettant à profit les fruits de leurs sacrifices et de leur dévouement.
La Patrie (Montréal), 25 octobre 1884