Écoutez le poète Charles Gill
Pourquoi garder vos anciennes lettres d’amour ? Brûlez-les.
Gill rappelle d’abord la jalousie d’un millionnaire américain lorsqu’il découvrit les lettres d’amour passées de sa dulcinée. Immédiatement, il demanda le divorce, même si le précédent amoureux était mort de fièvres à Cuba.
Et le poète québécois, qui signe Clairon, de rajouter :
Que ceci serve donc de leçon aux amoureux.
Les lettres d’amour survivent à la passion qui les avaient dictées. Elles ont souvent amené des résultats plus tragiques que cette demande en divorce. Il ne faut pas les conserver ; à quoi bon garder cette inutile attestation d’une tendresse qui n’est plus ; si elles rappellent une trahison, elles doivent être brûlées pour en hâter l’oubli ; si elles rappellent un deuil, le cœur peut se passer d’elles.
Brûlez vos lettres d’amour !
Vous feriez aussi bien de garder une machine infernale sous votre oreiller que de conserver au fond d’un tiroir mystérieux ces chères missives parfumées et jaunies.
Mêlez leur flamme au feu destructeur, aussitôt que vos yeux et votre âme en auront dévoré le contenu. Évidemment, il n’est pas facile de détruire ainsi une lettre qui vous est chère ; une belle lettre d’amour exhale tout le parfum de l’âme.
Quel être humain capable d’éprouver une grande passion n’a pas, selon les circonstances, été plongé dans la joie ou la douleur en voyant l’écriture de l’aimé ?
Mais quoi qu’il vous en coûte, brûlez vos lettres ; ce sacrifice vous évitera peut-être bien des tortures. Allez ! vous ne détruirez pas le frisson des baisers, qui a couru des lèvres au cœur ; vous n’anéantirez pas le souvenir ; vous n’effacerez pas le passé.
Clairon.
Le Canada (Montréal), 5 juin 1903.