Roger Caillois et les pierres
Aimez-vous les pierres ? Quelle drôle de question, en effet. Nous sommes tous d’une indifférence absolue devant une pierre sur notre chemin.
Mais quand j’ai découvert les propos de Caillois (1913-1978) sur les pierres durant les années ’70, je n’ai plus jamais regardé les pierres de la même manière.
Il avait réussi à faire naître en moi, comme ce l’était déjà chez lui, la réflexion que les pierres sont mes sœurs. Des sœurs qui nous ont précédés et sont toujours là depuis si longtemps.
Voici comment il termine son livre Pierres paru en 1971 :
Laisser passer en soit la nature, ce n’est pas pour l’homme tenter ou feindre de retourner au nerf ou à l’inerte, ni essayer de se démettre des pouvoirs qui lui sont échus. C’est au contraire les approfondir, les exalter et les contraindre à de nouveaux devoirs. J’ai conjecturé jusque dans le morne intérieur des pierres l’analogue de cette passion. J’ai suivi ou prévu ou déduit le fantasque Mi Fou, ses respects et ses ferveurs. Mais je ne partagerais pas ses abdications, s’il avait renoncé, homme, à faire moins que ne firent au début des pierres, lorsqu’elles inventèrent au premier carrefour le cristal.
J’écris inventer, carrefour ; tout à l’heure, j’écrivais tâche, passion, patience et l’humble verbe faire. Je m’exprime avec le lexique de ma condition : je n’en connais ni n’en connaîtrai pas d’autres. Les pierres n’ont pas de lexique. Mais ce n’est là, dans ma conviction, que différence locale et comme dit jadis un autre Grec « changer d’éclat par la surface ». Le langage aussi et le banal dictionnaire qui, péniblement, en chaque idiome rassemble les désignations de toutes choses connues, me reprocheraient le moindre reniement.
Je connais deux livres de Caillois : Pierres et Pierres réfléchies. Je me procurerai un jour L’écriture des pierres, sans trop savoir maintenant de quoi ça retourne.
Il y a des billets sur ce site sur Roger Caillois. J’en ai parlé à quelques reprises. Le moteur de recherche vous y mènera facilement.