Une croisière tourne à la foire d’empoigne
On s’attendait à un voyage charmant. Apparence que l’alcool est venu tout gâcher. Scènes de cinéma.
Le vapeur Trois-Rivières est arrivé à Sorel vendredi dernier avec environ mille excursionnistes de Montréal qui faisaient le voyage sous le patronage de la société d’abstinence totale et bienveillante de St-Gabriel.
Malheureusement un très grand nombre des personnes à bord ne pratiquaient pas la tempérance. Elles avaient emporté avec elles une grande quantité de boissons fortes et la conséquence fut qu’une centaine d’individus étaient ivres en arrivant à Sorel.
Ils louèrent des voitures et refusèrent de payer les charretiers, ils ravagèrent les parterres des principaux citoyens de l’endroit, entre’autres celui du juge Gill, et ils insultèrent les Sorelois et les Soreloises.
Au moment du départ du Trois-Rivières, il y eut une bataille entre les gens de Sorel et les excursionnistes. Une grêle de cailloux tomba sur le vapeur, brisant les vitres et les persiennes. Les excursionnistes ripostèrent en lançant des morceaux de charbon sur les Sorelois. Le capitaine Duval qui était sur le quai et essayait de rétablir la paix se trouva un moment entre deux feux.
Il réussit à sauter sur son bateau et donna des ordres pour le départ. Les pierres arrivaient alors en si grande abondance sur le Trois-Rivières que les matelots durent marcher à quatre pattes pour lâcher les amarres.
Pour retirer la passerelle, on fut obligé d’y attacher une corde et de la traîner à bord du vapeur.
Une femme tomba alors à l’eau et elle se serait noyée infailliblement si un jeune Boucher ne s’était pas jeté dans la rivière pour la sauver.
Samedi matin, plusieurs personnes sont allées voir les dégâts qu’a essuyés le Trois-Rivières pendant sa malheureuse excursion.
La Canadien (Québec), 21 août 1882.