Dans la série «Là où me mènent mes ânes» (1)
Il ne faut pas compter sur le Québec pour une histoire de l’âne, l’animal étant à peu près absent depuis le début de la colonie. Nous avons plutôt fait le choix du cheval, sans doute à cause de son train plus rapide, de sa force de trait et de ses pattes plus longues, précieuses dans un pays de neige.
Mais j’aime l’âne. Et les trois ânes rencontrés sur ma route depuis l’automne me mènent sur d’autres chemins que j’emprunterai volontiers. Ouvrons la série avec un hommage à cette belle bête qui a tant donné à l’humanité.
J’aime l’âne…
J’aime l’âne si doux
marchant le long des houx.
Il prend garde aux abeilles
et bouge ses oreilles ;
et il porte les pauvres
et des sacs remplis d’orge.
Il va, près des fossés,
d’un petit pas cassé.
Mon amie le croit bête
parce qu’il est poète.
Il réfléchit toujours.
Ses yeux sont en velours.
Jeune fille au doux cœur,
tu n’as pas sa douceur :
car il est devant Dieu
l’âne doux du ciel bleu.
Et il reste à l’étable,
fatigué, misérable,
ayant bien fatigué
ses pauvres petits pieds.
Il a fait son devoir
du matin jusqu’au soir.
Qu’as-tu fait jeune fille ?
Tu as tiré l’aiguille…
Mais l’âne s’est blessé :
la mouche l’a piqué.
Il a tant travaillé
que ça vous fait pitié.
Qu’as-tu mangé petite ?
-T’as mangé des cerises.
L’âne n’a pas eu d’orge,
car le maître est trop pauvre.
Il a sucé la corde,
puis a dormi dans l’ombre…
La corde de ton cœur
n’a pas cette douceur.
Il est l’âne si doux
marchant le long des houx.
J’ai le cœur ulcéré :
ce mot-là te plairait.
Dis-moi donc, ma chérie,
si je pleure ou je ris ?
Va trouver le vieil âne,
et dis-lui que mon âme
est sur les grands chemins,
comme lui le matin.
Demande-lui, chérie,
si je pleure ou je ris ?
Je doute qu’il réponde :
il marchera dans l’ombre,
crevé par la douceur,
sur le chemin en fleurs.
Francis Jammes
De l’Angelus de l’aube à l’Angelus du soir (1898)
Merci beaucoup, cher Jean, de cette piste de Francis Jammes.
Merci.
De rien, chère Silvana.
J’entreprends de chanter l’âne.
Plus souvent qu’autrement, j’irai voir ailleurs qu’au Québec, car il a ici un bien courte histoire.
En banlieue de Rigaud, sur la route qui longe la Rivière au chien (je vérifierai le nom) en et débouche en Ontario, il y a un merveilleux élevage de petits ânes miniatures. Bébés, ils sont de la grosseur d’un petit chevreau et à peine plus grand à l’âge adulte. Adorables vraiment.
Vous me faites peur un brin. Dans quel but les «fabrique-t-on» ? Des peluches pour la maison ?
Pour des gens qui ont un beau terrain comme vous et qui ont des bâtiments d’animaux. Des chevaux surtout. Les ânes et les chevaux s’entendent fort bien. Les éleveurs sont des gens qui aiment les animaux, les ânes surtout, et qui les vendent à d’autre passionnés comme eux.
Matière à méfiance? Je n’y avais pas songé. Mais je ne crois pas. J’imagine qu’il doit y encore exister des gens biens; du moins je veux le croire.
Vous me rassurez. D’autant plus qu’ânes et chevaux peuvent prendre bonheur d’être ensemble.