Aperçu des plats de cuisine chinoise au Club Canton, à Montréal
Voilà un repas où j’aurais bien aimé être invité. En 1906, les Chinois montréalais ouvrent le Club Canton. Allez, trouvons-nous une place.
L’inauguration du Club Canton a eu lieu hier soir.
Peu de gens savent ce que c’est que le Club Canton. On ne sait pas davantage où il est situé.
Comme son nom l’indique, c’est le nouveau club de la colonie chinoise de Montréal. Les principaux citoyens célestes se modernisent et ils veulent comme les autres avoir leur club, leur lieu de réunion, autorisé et légalement reconnu par une charte en bonne et due forme. C’est pourquoi il y eut un banquet dans les salons du nouveau club, au numéro 68a rue Saint-Urbain, hier soir.
Ce banquet n’était certes pas banal. Dans les salles et salons décorés à la chinoise, le service était fait par des valets chinois, et les convives, à l’exception des invités, étaient pour la plupart vêtus de superbes costumes orientaux. […]
Le menu était composé à la chinoise et à l’américaine, une délicate attention pour les hôtes distingués de la colonie chinoise. Tandis qu’un orchestre dont la musique ressemblait à un concours de cornemuses, vèzes [cornemuses de l’Ouest de la France] et chaudrons, charmait étrangement les oreilles, on attaqua bravement le menu qui se composait d’huîtres sur coquillages, de nids d’hirondelles (un potage de création chinoise ressemblant à une soupe au sable et au riz), d’un poisson apprêté à l’orientale, et d’une dinde si finement apprêtés que ceux qui en ont mangé hier soir se pourlèchent encore les lèvres aujourd’hui. Personne n’a eu d’indigestion.
Il y eut des santés qu’on but avec des liqueurs bien connues des dégustateurs canadiens, et entre chaque santé des duos de gong, de cymbales et de soufflets, ce qui produisait le plus drôle d’effet sur des oreilles montréalaises qui, ce soir, peut-être, iront entendre un autre genre de musique au concert Marteau [Henri Marteau, compositeur français et violoniste virtuose, 1874-1934].
Les toasts. M. Charlie Yep proposa la santé du Roi et de l’empereur de Chine, et ceci fut le signal de quelques discours en Chinois que notre sténographe ne peut réussir à prendre au vol.
La Patrie (Montréal), 6 février 1906.
Charlie Yep était un personnage important de la communauté chinoise montréalaise au début du 20e siècle.