Autres nouvelles de Sainte-Adèle
Votre correspondant «grippé» depuis trois longues semaines est parvenu par un suprême effort à lever la tête sur son lit de douleur et d’ennui, et, de ses yeux inquisiteurs, cherche à découvrir ce qu’il y a de nouveau et d’intéressant dans la paroisse.
Hélas ! désespoir de journaliste, pas de nouvelles. Nos affaires municipales chôment en attendant la première séance du nouveau conseil, séance qui aura lieu lundi prochain. On procédera alors à l’élection du maire, à la réception des comptes du secrétaire-trésorier, etc.
Pas de vols, de meurtre, de poursuites sensationnelles, de bataille….
Pourtant oui, une bataille, mais toute petite, insignifiante, ne se dévoilant à la lumière que par une proéminence très sombre, béatement installée au coin de l’œil d’un de nos braves villageois.
Et c’est tout.
Mais les affaires, les véritables affaires ne chôment pas heureusement, et rarement il y a eu tant d’ouvrage pour les hommes et les chevaux. Il s’est coupé, depuis l’automne, une si grande quantité de bois pour la pulpe, que la compagnie du Pacifique ne peut fournir tous les chars que demandent quotidiennement les expéditeurs.
Nous sommes donc dans une ère de prospérité inconnue jusqu’à présent, et vraiment de nature à réjouir…. même les «grippés», gens naturellement irritables, occupant leurs loisirs à pester contre la température dont les variations subites et étonnantes sont cause de tout le mal.
C’est bien vrai; notre beau climat, si vanté, tient une étrange conduite depuis quelques semaines. Au froid le plus piquant succède tout à coup et sans transition une pluie chaude ou un soleil de printemps et vice versa. De là, les surprises désagréables pour la gorge et les poumons.
Et pendant que tout le monde est occupé, une partie à prendre des bains chauds et à suer sous les couvertures, l’autre partie à l’ouvrage qui abonde, un homme fort, champion quelconque, installé ici pour l’hiver, nous nargue chaque dimanche avec ses défis que personne ne relève naturellement.
Nos bons gros canayens ont autre chose à faire pour exercer leurs forces que jongler avec des «dumbells»; mais parlez-leur de la hache ou du levier, par exemple, et venez battre leur record.
Mathieu.
L’Avenir du Nord (Saint-Jérôme), 1er février 1900.
La photographie prise en 1994 de Claude Décarie fait partie de 24 photos sur les activités hivernales à l’auberge Le Chanteclerc et au Sainte-Adèle Lodge à Sainte-Adèle. Elle est déposée à la Bibliothèque et Archives nationales du Québec du Vieux-Montréal, Fonds ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, Office du film du Québec, Documents traités, Cote : E6, S7, SS1, D18026 à 18037.