Les commencements de Saint-Jovite
On a beaucoup chanté la civilisation de la plaine du Saint-Laurent. Mais il m’arrive souvent de penser que nous sommes aussi de montagnes. Les Appalachiens et les Laurentiens pourraient nous en raconter un brin. À quand d’ailleurs une équipe qui se mettra au travail pour le grand livre sur notre vie de montagnards ? Et qu’avons-nous en commun avec les montagnards d’ailleurs ? Tant nous attend.
Saint-Jovite, au nord de Montréal, est de montagnes et vit beaucoup maintenant du tourisme. Voici quelques lignes sur ses premiers moments extraites du journal français Paris-Canada et reproduites dans l’hebdomadaire Le Nord (Saint-Jérôme) du 6 septembre 1888.
Un village canadien qui donne aux villes françaises un exemple qui ne sera pas suivi :
Le village de Sainte-Thérèse, comté de Terrebonne, va être éclairé à la lumière électrique.
Nous ajouterons que Saint-Jovite, autre village du comté de Terrebonne, situé à 50 milles [tout juste un peu plus de 80 kilomètres] de Saint-Jérôme et à quatre-vingts milles au nord-ouest de Montréal, va être éclairé à l’électricité. L’entreprise est donnée et, si nous ne nous trompons pas, les travaux sont en voie d’exécution.
Ce village, centre d’une paroisse qui s’étend au pied de la majestueuse montagne Tremblante, ne date que d’une dizaine d’années. Il y a douze ans, une épaisse forêt tenait la place de la jeune localité qui a surgi et s’est développée comme par enchantement.
Elle comprend les cantons Salaberry et Grandison qui faisaient autrefois partie du comté d’Argenteuil et qui occupent maintenant l’extrémité la plus reculée du comté de Terrebonne, la paroisse de Sainte-Thérèse et celle de Terrebonne se partageant l’autre extrémité.
Ramenée à la longitude de Montréal, Saint-Jovite n’en serait qu’à cinquante-quatre milles à peu près et renfermerait le canton Kildare, comté de Berthier, tandis que Saint-Jérôme, dans les mêmes conditions, se confondrait avec Saint-Paul l’Ermite, en plein comté de l’Assomption. Ce serait une erreur de croire que, par le grand nord, la colonisation a jusqu’à présent opéré loin de Montréal.
Sur la longitude de Grenville, Saint-Jovite aspire à remplir dans le Nord un rôle analogue à celui de Saint-Jérôme, ce qui, loin de nuire au commerce de cette ville, ne ferait que lui donner de l’extension, progrès dont Montréal bénéficierait aussi dans une large mesure.
Les bords de la rivière au Diable ne sont pas éternellement destinés à contempler la solitude.
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Le journaliste et écrivain Arthur Buies a beaucoup aimé parcourir le Nord «à partir de Saint-Hypolite, en passant par Chertsey, Sainte-Marguerite, Sainte-Lucie, Saint-Donat, toute la vallée de la Diable, de la Rouge, de la Lièvre et de la Gatineau». Depuis Saint-Justin, il écrit le 2 septembre 1888 au curé Antoine Labelle : «Je suis littéralement fou, ivre de la grande nature du Nord : entre autres du lac Archambault, qui est incomparable, et du lac Ouareau, qui n’a pas d’égal pour la grandeur du panorama qui l’entoure». Extrait de l’hebdo Le Nord du 6 septembre 1888.