Continuez-vous de mettre votre foi dans la cartomancienne ?
Attention ! Rappelez-vous celle de la rue Saint-Dominique à Montréal. Elle avait des échanges avec le diable. Un jour est venu où ça ne fonctionnait plus. La Tribune du 25 octobre 1895 raconte.
Une Montréalaise avait l’habitude de consulter une cartomancienne dont les oracles, très suivis, se rendaient rue Saint-Dominique, tous les vendredis surtout. Indocile aux représentations du prêtre qui lui faisait voir dans ces consultations un commerce formel avec le démon, elle consentit du moins à se soumettre à une expérience.
«Prenez, lui dit le prêtre, cette médaille bénite de saint Antoine et ce papier. Apprenez la prière qui s’y trouve écrite et récitez-la mentalement tout le temps de la séance de consultation.»
Le prêtre avait écrit sur le papier Si quœris ainsi que la formule du Bref de saint Antoine ainsi conçue :
«Ecce Crucem Domini, fugite partes adversae,
Vicit Leo de tribu Juda, Radix David Alleluia.»
Arrivée au vestibule où une dizaine de personnes attendaient chacune leur entrevue avec la cartomancienne, notre porteuse de médaille se conforma exactement aux instructions de son directeur. Sans faire mine de rien, elle récitait sans discontinuer la prière apprise par cœur.
Chose extraordinaire, les séances de consultation furent exceptionnellement courtes. St Antoine avait ce jour-là affranchi la patience des visiteurs de l’épreuve à laquelle elle était invariablement soumise. En revanche, il ménageait à leur curiosité une déception toute nouvelle.
Arrivée à son tour en face de la devineresse, la cliente de saint Antoine s’entend dire : «Mademoiselle, je suis désolée, mais aujourd’hui je suis forcée de vous renvoyer sans pouvoir vous dire un mot. Voilà une dizaine de personnes à qui je viens d’en dire autant. Je ne puis rien lire sur les cartes, et je ne sais à quoi l’attribuer.»
«Moi je vous le dirais bien, madame, répond-elle, c’est que vos prophéties venaient du démon, je le sais maintenant, et je l’ai fait fuir votre prophète par les prières que je récite à saint Antoine depuis que je suis arrivée.»
Ce disant, elle lui montre le papier dont le contenu avait eu tant d’effet, et arrache à la cartomancienne des aveux que nous n’avons pas à livrer au public. Saint Antoine venait donc selon toute évidence de rendre muet le démon diseur de bonnes aventures.
Des informations ultérieures ont établi que le susdit démon n’est pas encore guéri du terrible coup reçu de notre Thaumaturge, car sa cartomancienne n’a pu reprendre ses séances depuis lors.
L’hebdomadaire mentionne que ce texte est extrait de La Semaine religieuse. C’était là un périodique publié à Montréal (1883-1964), «avec l’approbation de Sa Grandeur Mgr L’Évêque de Montréal».
Illustration de BiblioArchives/LibraryArchives sur Flickr.