Tout sur le parapluie
Imaginez votre quotidien favori qui, un bon matin, propose à ses lecteurs, à la une, une histoire du parapluie. C’est ce qu’offre La Patrie, à Montréal, à son public, le samedi 21 août 1880.
Une curieuse étude est celle de ce pavillon portatif qu’on nomme parapluie, de son origine et de son histoire jusqu’à nos jours. Comme la plupart de nos ustensiles utiles, c’est chez les Chinois qu’on trouve l’origine du parapluie ou du parasol.
Tous les peuples de l’Antiquité en ont fait usage : les Égyptiens, les Assyriens, les Perses. Mais les grands seulement se servaient de cet instrument. Les Grecs et les Romains avaient peu de goût pour le parapluie, qui ne s’accordait guère avec leur vêtement.
Qu’il plût ou qu’il fit soleil d’ailleurs, les seigneurs de ce temps et les riches se faisaient porter en litière. Cet usage de la litière ou de la chaise à porteurs, qui s’est propagé dans tous les pays et qui s’est maintenu jusque vers la fin du siècle dernier, a généralement tenu lieu du parapluie, qui n’a été connu ou pratiqué en France et en Angleterre qu’au seizième et dix-septième siècles.
Mais si la litière et la chaise à porteurs étaient seuls employées avant cette époque par les grands personnages, on se demande comment s’en tiraient les vilains aux jours de pluie, et surtout les citadins de Paris et des grandes villes privés de tout abri portatif et forcés de courir les rues pour vaquer à leurs affaires.
On voit au dix-septième siècle la fabrication du parapluie prendre rang parmi les industriels de luxe; mais quel parapluie ! Il mesurait un mètre ¼ de hauteur. Déployé, il y avait 3 mètres et ½ de circonférence et pesait 4 livres au moins. Et sait-on combien coûtait alors un parapluie ? De 45 à 60 livres. Il était fait de cuir, de toile cirée, d’étoffe de soie huilée, de papier verni.
Dans ces conditions, on comprend que peu de personnes pussent se passer la fantaisie d’avoir un parapluie. C’était beaucoup qu’on en possédât dans une famille. Il se transmettait de génération en génération.
Vers 1790, le parapluie prit une forme moins massive. On employa à sa fabrication des étoffes dites gros de Tours, gros de Naples, taffetas, roses, jaunes, vert-pomme, rouges, bleues avec bordure de fantaisie. Mais, si le parapluie fut lent à prendre une forme acceptable, il n’en fut pas de même de l’ombrelle.
Au siècle dernier, elle était un objet de toilette recherché du beau sexe. Elle était faite suivant la mode, de soie blanche ou noire avec franges, recouvertes de dentelles à médaillons ou à dessins bordée de verroteries ou garnie de marabouts. L’ombrelle articulée se fit marquise.
Après diverses phases, le parapluie a conquis depuis 1825 une élégance relative qui n’a cessé de se perfectionner jusqu’à notre époque. L’antique manche a été raccourci et a été recourbé à la poignée. En 1830, il s’est popularisé sur le nom de Riflard. Le poids diminua de moitié, et de 45 livres, le prix du parapluie descendit à 8, à 7, à 5 fr. pour les sorties courantes.
Aujourd’hui, c’est un objet quasi de luxe aussi utile qu’agréable. Un poète a prétendu que le parapluie était un instrument de séduction; voici comment il s’exprime :
En tous pays, un jour d’averse,
A la beauté que l’eau traverse
Offrez le cœur, offrez la main,
Mieux vaut passer votre chemin.
Mais vous plairez à la folie,
Si vous offrez un parapluie.
L’illustration provient de l’ouvrage des Sœurs de Sainte-Croix, Cours pratique de dessin d’observation aux maîtres de l’école primaire canadienne, Saint-Laurent, 1928.