Voici quelqu’un de sarfe
En français québécois, quelqu’un de gourmand, de glouton est un «sarfe». M’est avis que c’est là un mot apporté de France dès le 17e siècle. Le Glossaire du Parler français du Canada (Québec, Presses de l’Université Laval, 1968) signale qu’on trouve le mot «safreté» pour gourmandise, gloutonnerie, safrerie, dans le Bas-Maine et la Normandie, en France bien sûr.
Dans Le Parler populaire des Canadiens français (Québec, Laflamme et Proulx, 1909), Narcisse-Eutrope Dionne affirme : «Safreté se disait jadis» pour gloutonnerie, gourmandise. Au mot «safre», il écrit : «Gourmand, glouton. L’Académie a rejeté safre en 1877», désignant sans doute par là l’Académie française.
Ma mère, au langage très coloré, à la parlure souvent riche et bien ancienne, échappait couramment le mot «safre». «Ne mangez donc pas comme des safres, les enfants !»
Selon mon ami Denys, l’expression pourrait remonter au Moyen Âge. Elle serait aujourd’hui une déformation de « manger comme un serf ».
Au lac st-jean ça sonne sarfe,mais ça doit etre la même chose.Quelqu’un avec une appétit hors de commun et ne pensant qu’a lui.
On se rapproche, on se rapproche. J’aime ces expressions québécoises venues des temps très anciens, qui sont un véritable patrimoine, préservé.
Et puis oui, il y avait aussi cette notion de «Laissez-en pour les autres».
J’habitais Ste-Foy vers le milieu des annees ’60, où j’avais 11 ou 12 ans. On disait saf, sans deuxieme syllabe, pour désigner un comportement niaiseux, ou un commentaire du même acabit…
Je ne connaissais pas cette expression, cher Monsieur Lamontagne.
Ta corneille me fait penser à Jeannot-la-corneille de Gabrielle Roy – Cet été qui chantait – .
… Mon Jeannot était plutôt solitaire; le jour, il ne rejoignait guère sa parenté. Encore moins fraternisait-il avec les goélands assemblés en groupes compacts sur les rochers que le reflux de la marée avait découverts…
… Que faisait mon Jeannot tout le jour ? Sans conteste, si le vent était propice, pas grand-chose autre que de se laisser bercer. Il pillait aussi un peu dans les jardins à droite et à gauche….
» Sarfe » aussi la corneille de Gabrielle Roy. Que de poésie dans ce livre ! À lire et à relire !
L’été de cette lecture, j’ai appris à aimer les corneilles !
Ô, chère Ode, il va falloir que je m’y mette alors. Je ne connais pas cet ouvrage de Gabrielle Roy. À 83 ans, ridée, ravinée, fort belle, je la voyais lentement marcher rue Cartier à Québec. Mais jamais n’ai-je osé y parler.
Une lecture qui pourrait faire chanter ton été à la campagne!
Peut-être y croiseras-tu un Monsieur Tong toi aussi ou encore Les vaches d’Aimé ! Il y Danse Moufette qui ferait un beau lien avec une dernière chronique fort appréciée. En passant par La Messe des hirondelles ou La nuit des lucioles….
Écoute, c’est à déguster !!!!!
Merci encore !
Monsieur Laurent Lamontagne.
Nous autre aussi, à Saint-Wenceslas nos parents parlaient de «SAF».
Dans ma famille (originaire du Lac) et – je l’apprends à l’instant – dans celle de mon amie saguenéenne, on y allait d’un « sarfe » avec le R bien senti.
Je pense, en effet, que ce serait, ici au Québec, SARFE, avec le R bien senti !
J’aime bien l’origine qu’en donne mon Denys, anthropologue, à l’effet que ça viendrait peut-être du mot « serf ».
On se sert de se mot à St. Malo, Manitoba, aussi!
Un ami m’a dit que ça remonte au Moyen Âge, quant à la manière de manger des serfs, dépendant d’un seigneur. Manger, par exemple, avec ses doigts. Ou des trucs semblables.
Moi ma famille ( en Estrie au Quebec on disait: il est donc ben saff..le r n’était pas prononcé ( Een parlant de quelqu’un qui mange beaucoup) je suis bien contente d’apprendre d’où ça vient car je cherchais en anglais la définition de ce mot… vu qu’il y a beaucoup d’anglophones dans la région
Merci de vos commentaires, chère Madame Baillargeon.
Sarfe a souvent été prononcé dans la famille de ma mère où on était très gourmand mais pas sarfe, car on se préoccupait de ce qu’il y en ait assez pour les autres. Ce mot était associé à quelqu’un d’impoli et égoïste.
Je cherchais ce mot ce matin car j’aurai la visite d’une amie et de son conjoint sarfe. Vraiment…
Merci monsieur Provencher de vos explications,
Prenez soin des sarfes, chère Marie-Claire Raymond… surtout s’ils vous arrivent le ventre vide. hihihi
Dans les années 1962 à 1985 environ, j’ai entendu diverses personnes de la région de Montréal à Gatineau employer le mot « saf » ou « saff » pour goinfre, peut-être aussi quelqu’un qui mange comme un gourmand sans penser aux autres. Selon ce qu j’ai connu, ce n’était/n’est pas utilisé dans un français sophistiqué mais plutôt du milieu ouvrier.