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De Chine, quelques moments

J’aime beaucoup la poésie chinoise et japonaise. Ancienne ou actuelle. Il me semble que ces civilisations viennent de si loin que leurs poètes ont appris au fil du temps, dans leur écriture, à ne pas perdre de temps, à gagner rapidement l’essentiel, sans aucune circonvolution.  Manifestement, cette course vers tout de suite l’Absolu les repose.

Retour à mon ouvrage Cent Quatrains des T’Ang que je découvrais chez un de mes bouquinistes, il n’y a pas sept jours. Des arrêts, des moments, des échappées, des instants venus de la période des T’ang (618-907 de notre ère).

 

L’aurore printanière

Le sommeil de printemps ignore volontiers l’aurore,
Çà et là, on entend partout le chant des oiseaux.
La nuit, au bruit du vent et de la pluie,
Combien de fleurs sont tombées sans qu’on le sache.

Mong Hao-jan

 

Écrit sur une porte au sud de la ville

L’an passé, en ce jour, sous cette porte,
Ses joues et les fleurs de pêcher se reflétèrent, toutes roses.
Où est le visage ? Je ne sais.
Les fleurs, comme jadis, sourient au vent printanier.

Ts’Oei Hou

 

Amour

Tendre, attachant est l’amour mutuel,
Fin comme un fil flottant, vaste comme la mer.
Mais la lune ne reste pas toujours pleine et les fleurs sont tôt flétries.
J’ai tant de peine dans ma vie et presque toutes sont venues d’elle.

Ou Yong

 

En regardant l’anneau du sabre

Souvent on regrette l’impuissance de la parole
Devant la profondeur de nos pensées.
Ce jour-là, on se regarde face à face,
Comment exprimer les mille plis de notre cœur ?

Lieou Yu-si

 

Assis dans la nuit

Dans la cour, toute la journée, je reste debout jusqu’au soir.
Sous la lampe, parfois, je m’assieds en attendant le jour.
C’est un sentiment secret, nul ne peut le comprendre.
De temps en temps, je pousse quelque soupir.

Po Kiu-yi

 

Regret

La belle relève le rideau de perle,
Assise, immobile, elle fronce ses beaux sourcils.
On voit seulement la trace humide d’une larme.
Pourquoi son cœur est-il en peine ? On ne sait.

Li Po

 

Poème indolent

Le saule de mon voisin traîne gracieusement ses rameaux frêles,
Telle la taille d’une fille de quinze ans.
Par quel accident malheureux, ce matin,
Le vent violent a-t-il brisé sa plus longue branche !

Tou Fo

 

La robe de tissus d’or

Ne chéris pas tant la robe de tissu d’or,
Chéris plutôt les jours de ta jeunesse !
Les fleurs épanouies et prêtes à être cueillies, cueille-les sans hésiter,
N’attends pas qu’elles ne soient plus, pour cueillir les branches dénudées.

Tou Ts’ieou-niang

 

Depuis votre départ

Depuis que vous êtes parti,
Je laisse en désordre le métier à tisser.
Comme la lune pleine, à force de penser à vous,
Nuit après nuit, je diminue d’éclat et de fraîcheur.

Tchang Kieou-ling

 

Pensée d’une nuit fraîche

Ton absence trop longue me déchire le cœur.
Au pays lointain, ton visage a-t-il changé de couleur ?
Sous la lune, cette nuit, je cherche l’accord sur mon luth plaintif.
Vers toi, toujours s’en iront mes pensées.

Wang Pou

 

Lettre de la montagne

Au milieu des nuages brouillés, je construis ma chaumière.
De la poussière du monde mes traces s’éloignent de plus en plus.
Ne me demandez pas comment je passe mes jours !
Devant ma fenêtre, l’eau qui coule, à mon chevet, des livres.

Li Kieou-ling

 

Au maître Yang, alchimiste

Le taoïste récite, la nuit, les prières des «Perles Fleuries»,
Une cigogne blanche descend et voltige autour de l’encens en écoutant.
À la fin de la nuit, les prières finies, le taoïste monte sur la cigogne.
Poussés par les vents du ciel, ils se perdent dans le lointain Infini de l’automne.

Pao Yong

4 commentaires Publier un commentaire
  1. Esther #

    Je me sens comme… devant une boîte de chocolats aux saveurs variées… Lequel choisir en premier ? Il est heureusement permis de déguster, un à la fois… Faire durer le plaisir…

    25 mars 2014
  2. Jean Provencher #

    Voilà. Tout à fait. Car c’est vraiment la variété.

    25 mars 2014
  3. MC Lapierre #

    Amour, mon préféré.
    Revenir chez vous est toujours un plaisir !
    Merci cher M.Provencher !

    12 avril 2014
  4. Jean Provencher #

    Merci infiniment, chère Vous. Cet «Amour», en effet, est pas mal du tout, criant de vérité, fort lucide.

    12 avril 2014

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