Un grand projet pour le Champ-de-Mars à Montréal
Au début du 20e siècle, à Montréal, on commence à se demander quoi faire avec le Champ-de-Mars, ce grand espace municipal un peu laissé à lui-même.
Un citoyen suggère d’y construire simplement un immense entrepôt commercial. Mais, immédiatement, un lecteur de l’hebdomadaire L’Album universel écrit au journal pour proposer plutôt une création audacieuse. Le 7 juin 1902, l’hebdo écrit :
Deux jours à peine s’étaient écoulés depuis la publication dans l’Album Universel du plan émis par M. Rodias Ouimet pour la transformation du Champ de Mars de Montréal en un immense entrepôt, que nous recevions d’un correspondant anonyme le dessin qui figure en notre page 136 du numéro de ce jour, dessin accompagné des notes suivantes :
«Pour un grand projet c’en est un assurément que la transformation du Champ de Mars en un entrepôt commercial; mais combien plus grand encore sa transformation en un pavillon dans lequel on installerait un Jardin Zoologique, un bassin de natation, une piste de course à pied ou en bicycle, etc., etc.
«Le spectacle ravissant qu’offrirait l’hiver cette immense nef, convenablement chauffée avec son superbe bassin d’eau tiède; ses galeries supérieures contenant des cages d’animaux ou d’oiseaux, soit mieux encore une exposition de produits industriels tant de l’étranger que du Canada; ses plantes exotiques, ses fontaines d’ornementation, ses ponts vénitiens, etc., et surtout son éclairage électrique.
«Spectacle non moins ravissant l’été quand, au moyen d’un système de tubes disposé au fond du bassin, on aurait en quelques minutes congelé la surface de l’eau et donné ainsi aux amateurs du patins, en pleine canicule, un patinoir comme il n’y en a pas dans le monde.
«Je fais exception pour Paris où j’ai vu de mes yeux il y a quelques années, en plein été, un bassin du genre congelé en l’espace de quelques minutes. Le système de tubes dont je parlais il y a un instant est remonté mécaniquement du fond du bassin à un demi-pouce de la surface, puis à l’aide de pompes aspirantes et foulantes une solution d’ammoniaque est envoyée dans ces tubes.
«Le temps de jouer un morceau de musique et, à la place des naïades des Batignoles qui l’instant d’avant folâtraient dans l’eau, sont maintenant des patineurs qui se balancent nonchalamment sur la surface solidifiée du bassin.
«Grand projet assurément, celui de M. Rodias Ouimet ! Grandissime alors, le mien ! Qu’en pensez-vous ?»
L’Album Universel se contente d’enregistrer les grands projets qui lui sont soumis sans les apprécier autrement. Celui de notre correspondant fait d’autant moins exception à la règle qu’il est d’un anonyme qui ne semble pas lui-même le prendre au sérieux.
Gravure parue dans L’Album universel du 7 juin 1902, p. 136. Sur internet, on peut la voir sur le site de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, au descripteur «Champ-de-Mars (Montréal, Québec)».
La photographie du Champ-de-Mars de Montréal, montrant les vestiges des anciennes fortifications de la ville, fut prise en 2008 par Jean Gagnon et apparaît sur la page Wikipédia consacrée à cet endroit.
Trackbacks & Pingbacks