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Une publicité lumineuse dans le ciel de Montréal

En 1902, l’hebdomadaire montréalais L’Album universel ouvre ses colonnes à tout individu ou tout groupe intéressé à proposer un «grand projet» pour Montréal. C’est ainsi qu’un quidam suggérait la construction d’un pavillon multi-fonctionnel sur le Champ-de-Mars. Un autre aimerait percer comme un fromage gruyère le mont Royal, en plein cœur de l’île, pour en faire une immense grotte souterraine. Et voilà que, le 21 juin 1902, le journal y va de sa propre proposition, un projet publicitaire.

Ce n’est pas assez pour l’Album Universel d’exposer au public les grands projets qui lui sont communiqués; il entend, cette fois, en réaliser un de sa propre conception.

Que le lecteur se reporte à la page 184 du numéro de ce jour. Au moyen d’un projecteur électrique (search light), de grande puissance, installé sur le sommet de la montagne, une annonce lumineuse est lancée dans le firmament, la nuit, au-dessus de Montréal. L’instant d’après, au lieu d’une annonce, ce sera une nouvelle et même un portrait, une gravure, un dessin quelconque.

Ce sera tout un spectacle, agréable à l’œil, utile au commerce, à l’article des annonces, et à toute la population quand il s’agira d’informations d’intérêt général.

Il va de soi que le parc Mont-Royal étant propriété municipale, l’installation de notre projecteur électrique ne peut se faire qu’avec l’assentiment du Conseil de ville. Nous espérons bien que cette permission ne nous sera pas refusée.

Voici la lettre adressée, à ce sujet, aux autorités municipales :

 

À Son Honneur le Maire et à Messieurs les Échevins de la cité de Montréal.

L’humble requête du soussigné expose respectueusement :

Qu’il est un corps commercial régulièrement constitué sous le nom de la Compagnie de photogravure de Montréal;

Qu’en cette qualité il publie en cette ville dans le bâtiment de la Presse, coin de la rue Saint-Jacques et de la côte Saint-Lambert, un journal illustré connu sous le nom de l’Album Universel;

Que pour élargir la publicité de ce journal, il songe à en reproduire les clichés sur la voûte céleste, la nuit, de manière à ce qu’ils puissent être vus gratuitement par toute la population de la cité et même par celle des villages d’alentour;

Que pour les fins de cette publicité nouveau modèle, il lui faut se pourvoir d’un puissant projecteur électrique (search light) et l’installer sur une éminence d’où ses rayons puissent, grâce à leur divergence, illuminer un grand arc de cercle dans la voûte céleste sans rencontrer sur leur route aucun obstacle, toiture, flèche du clocher, non plus qu’aucune autre lumière artificielle, pétrole, gaz ou électricité;

Que la montagne de Montréal est admirablement située pour l’exploitation de ce projecteur dont l’installation ne requerrait pas plus de dix pieds carrés et ne déparerait en rien le Parc Mont-Royal;

Pourquoi le requérant conclut à ce qu’il lui soit permis, exclusivement, sujet à tout règlement municipal qu’il plaira à notre honorable conseil d’édicter à ce sujet, d’installer son projecteur électrique au sommet de la montagne en se raccordant à une usine électrique au moyen des conduites usitées généralement à cette fin, et de l’exploiter en projetant la nuit, sur des nuages soit naturels soit artificiels, des images ou des imprimés empruntés à l’Album Universel de chaque semaine ou à tout autre journal.

Et votre requérant ne cessera de prier.

La Compagnie de photogravure de Montréal.

F. Leroux, gérant.

 

P. S. — À l’appui de cette demande officielle, le requérant croit devoir vous représenter par la même occasion qu’un projecteur électrique (search light) comme celui de l’Album Universel constituerait en lui-même une puissante attraction pour Montréal, que par sa fulgurante publicité il aiderait puissamment au commerce en portant ses annonces à la connaissance de tous, et qu’en bien des cas il rendrait un véritable service public en satisfaisant d’un mot, imprimé en traits lumineux dans le ciel, la curiosité générale éveillée sur un fait d’actualité, à une heure où les journaux ne peuvent la satisfaire.

Inutile d’ajouter que tous les frais de l’entreprise, pour considérables qu’ils puissent être, seront à la charge de l’Album Universel qui est parfaitement consentant de plus à payer à la ville toute indemnité équitable que dans sa sagesse votre honorable Conseil pourrait lui demander, pour le privilège de se servir ainsi du sommet de la montagne.

La Compagnie de Photogravure de Montréal,

F. Leroux, gérant.

Montréal, 14 juin 1902.

 

L’illustration est parue dans L’Album universel du 21 juin 1902. On la retrouve sur le site de Bibliothèque et Archives nationale du Québec au descripteur «Album universel (Montréal, Québec)».

À noter qu’il s’agit d’un autre dessin de Paul Caron.

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