Une grande mascarade au Montagnard
Je vous ai parlé de mascarades déjà. L’hiver en est la saison. Elles se tiennent sur glace bien sûr, à l’extérieur comme à l’intérieur. En 1900, on est fou des mascarades. Et, lors de ces événements, vous êtes soit acteur, soit spectateur.
Le Monde illustré en annonce une belle le 21 janvier 1899. « Le 23 janvier, aura lieu la grande mascarade du Montagnard, dans le superbe local de son patinoir. […] Des patineurs de première force y exécuteront de ces danses dans lesquelles excellent les Hollandais, ces maîtres du patin : rien de gracieux comme les exercices fantastiques qu’exécutent ces derniers sur leurs immenses plaines de glace. L’enfant des montagnes, en Italie, naît cavalier; le Hollandais naît patineur. »
Et cette mascarade fut un succès. Le 24 janvier 1899, le quotidien La Patrie écrit :
La fête d’hier a surpassé en splendeur toutes celles que nos populaires jeunes amis du Montagnard avaient données jusque-là. C’est ce qu’ils nous avaient promis, et la société canadienne-française, habituée à ne pas se faire tromper par eux, s’est portée en grand nombre au populaire patinoir de la rue Duluth.
Il y avait au-delà de 2,000 spectateurs payants, de sorte que si l’on ajoute à ce nombre celui des abonnés et des invités, on arrive au joli chiffre de 3,500. Il est certain que le vaste pavillon ne pouvait guère contenir plus de monde. La circulation sur la plateforme qui entoure la glace était difficile, et à certains endroits elle était souvent interrompue.
Le spectacle était bien de nature à attirer cette foule énorme. Les décorations du patinoir avaient été l’objet d’un soin particulier. En outre des banderoles, des drapeaux, des écussons répandus partout à profusion, il y avait, à la voûte, une multitude de stalactites fort bien imitées qui, à la lueur exclusive du calcium, donnaient à la bâtisse l’aspect de l’intérieur d’une grotte.
Jamais encore les gracieuses patineuses et les agiles patineurs n’avaient déployé autant de goût, dans le choix de leurs costumes dont l’originalité chez les uns et la richesse chez les autres formaient dans l’ensemble le plus ravissant coup d’œil sous les jets de lumière de toutes les couleurs qui les inondaient.
L’excellente musique de la fanfare Hardy venait donner la note gaie à la fête qui s’est prolongée jusqu’à onze heures passées.
En tête de la procession marchait l’inimitable éléphant, conduit par son créateur, M. Piché, le gardien du patinoir. Celui-ci était costumé en piqueur indien, ce qui donnait plus de réalisme à la scène.
La liste complète des costumes et de leurs porteurs est publiée ci-après, et la gravure ci-jointe donne quelqu’idée des plus originaux. [Le quotidien réfère à une gravure quelconque qui n’apparaît pas dans cette édition du journal.]
Mentionnons cependant comme nous ayant le plus frappé les trois bardes écossais personnifiés par MM. Ponton, Goulet et Giroux; rien ne manquait au costume de ces derniers qui ont ahuri les spectateurs par leurs concerts de valse et de chalumeau. Les costumes de Turcs de MM. Robert et Laberge se rendaient parfaitement méconnaissables. Un des plus magnifiques costumes était le François 1er de M. Eisinhardt, quoique ceux de Mlles Ponton, de M. Wilson et de plusieurs autres ne lui en cédaient en rien sous le rapport de la richesse.
Nous nous permettrions bien de féliciter les Montagnards du succès de la fête, si la société canadienne-française, en assistant en si grand nombre, n’avait déjà rempli ce devoir.
L’illustration d’une mascarade à la patinoire Victoria, à Montréal, est parue dans L’Opinion publique du 24 février 1876. Notez qu’il s’agit d’une gravure d’Henri Julien. On trouvera cette image à l’adresse suivante :
http://bibnum2.banq.qc.ca/bna/illustrations/accueil.htm, au descripteur «Patinage».