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Henri Julien disparaît

Avant la photographie dans les journaux, les dessinateurs assuraient l’image. L’un des plus grands illustrateurs de ce temps fut Henri Julien (1852-1908). Ses images, véritable patrimoine d’illustrations sur le Québec d’autrefois, sont encore imprégnées aujourd’hui dans la tête de plusieurs milliers de Québécois.

Originaire de Québec, il meurt foudroyé, rue Saint-Jacques, à Montréal, le jeudi 17 septembre 1908. Le lendemain, la nouvelle fait la une de La Patrie : Mort d’un artiste canadien de réelle valeur : Henri Julien.

Henri Julien est mort ! Qui ne connaît pas Henri Julien, pour n’avoir pas, au moins, admiré cent fois ses croquis enlevants dont il a gravé trois générations de journaux au Canada, à partir de l’Opinion Publique en 1871, jusqu’au Montreal Star en 1908.

Le sympathique artiste est mort, hier, foudroyé par l’implacable apoplexie, et les circonstances qui ont entouré sa dernière minute d’existence sont plus dramatiques que ne l’aurait jamais pensé ce bon et doux garçon, qui depuis quarante ans passait rue Saint-Jacques, en semblant chercher à ne pas être vue de ceux qu’il rencontrait, et qui le connaissaient tous.

Hier, Julien avait le cœur plus joyeux que d’habitude. Il partait en vacances le soir même et toute la journée il avait travaillé, assistant à une séance de la cour criminelle et à une séance du congrès des manufacturiers dans la matinée.

Ces deux croquis que publiait le Star, hier soir, sont les deux derniers que Julien ait faits.

À quatre heures de l’après-midi, il quitta son harnais, comme il appelait son calepin qu’il portait toujours sous le bras, prêt à toute éventualité. Il mit ordre à ses affaires, rangea ses papiers épars dans son bureau et il se disposa à partir pour deux ou trois jours de repos, dans les grands bois «jaunes», paysage qu’il affectionnait en artiste passionné.

Il quitta les bureaux du Star, en compagnie de son jeune fils, son fils unique, et se dirigea du côté de la gare Viger où ils devaient prendre le train pour Sainte-Rose, depuis plusieurs années l’endroit de villégiature de la famille Julien. Il marchait d’un pas allègre et semblait en excellente santé. Il distribuait force saluts et il paraissait joyeux.

Il était cinq heures et la rue Saint-Jacques regorgeait de milliers de promeneurs, ses habitués de tous les jours.

En passant en face du Saint Lawrence Hall, Henri Julien fit un pas de côté pour éviter un groupe d’hommes d’affaires, occupés à causer; il salua et passa. Soudain, il leva les bras au ciel et s’affaissa sur le trottoir, sans un cri, sans une plainte il y eut.

Une seconde d’effarement parmi les spectateurs de cette scène, puis l’on s’empressa pour relever le malade.

Celui-ci gisait inanimé sur le trottoir, couché sur le dos. On s’empara de lui pour le transporter à l’intérieur des bureaux de la Dominion Express Co., autrefois la rotonde du St Lawrence Hall, où, pendant plus de vingt ans, Julien fut une figure si connue et si populaire. Mais le pauvre ami était mort et n’avait plus besoin des secours terrestres.

Le cadavre fut transporté à la morgue.

On se rend compte de l’excitation que causa un incident de cette nature rue St-Jacques. En un clin d’œil, la nouvelle se répandit. On alla en informer les autorités du Star, dont le personnel accourut; les passants s’attroupèrent et, lorsqu’arriva le sinistre fourgon de la morgue, toute circulation était interrompue, rue Saint-Jacques.

Si Henri Julien eût été au milieu de cette foule, que de physionomies intéressantes il eût pu croquer sur le vif ! Hélas, c’était son cadavre inerte que les curieux étaient si anxieux de voir, en ce moment ! […]

Le regretté défunt laisse une veuve, sept filles et un garçon. Deux frères lui survivent aussi.

 

Avec cette nouvelle du décès d’Henri Julien à la une, La Patrie affiche cette image de la bénédiction paternelle, une œuvre, bien sûr, de lui.

On trouve la biographie d’Henri Julien par Nicole Guilbault dans le Dictionnaire biographique du Canada. Il existe aussi cet ouvrage de Nicole Guilbault sur Julien publié au Boréal Express en 1980. Par ailleurs, dans le moteur de recherche apparaissant à droite sur ce site, en appelant « Henri Julien », vous trouverez quelques mentions ou illustrations de son œuvre, dont celle, bien connue, du Patriote de 1837-1838.

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