L’auberge de Joe Beef serait convertie en maison pour démunis
Dites, connaissez-vous Joe Beef ? Quel personnage ! Ce cher Joe arrive à Montréal en 1864 et devient tout de suite responsable de la cantine militaire de l’île Sainte-Hélène, là où se trouvent des soldats en garnison. De son vrai nom Charles McKiernan, il fut surnommé Joe Beef au moment de la guerre de Crimée de 1854 à 1856, alors qu’il est quartier-maître dans l’armée britannique. Dès que son régiment est à court de vivres, on lui connaît un flair hors pair pour partir on ne sait où et rapporter aux soldats des vivres, des victuailles.
En 1868, toujours à Montréal, mais licencié de l’armée, il ouvre la Joe Beef’s Canteen, bientôt connue à la grandeur de l’Amérique du Nord, une maison, rue Saint-Claude, pour les plus démunis. Il ne cherche pas le profit, il veut faire œuvre de philanthropie pour les «oubliés» de la vie. En 1875, à cause de l’élargissement de la rue Saint-Claude, il déménage son accueil au coin des rues de la Commune et de Callières, toujours dans le quartier du port.
Allez, je me tais sur ce cher Joe. Je vous renvoie à un des beaux mandats que j’ai eus dans ma vie d’historien : la rédaction de sa biographie, à la demande de mon maître, Jean Hamelin dans le Dictionnaire biographique du Canada. Le grand livre sur Joe reste à venir, mais c’est une partance.
Le volume XI du Dictionnaire, dans lequel apparaît la biographie de Joe, est paru au printemps 1982. Dans le quotidien Le Devoir du 8 mai, l’historien Yvan Lamonde, qui avait le mandat de couvrir la parution d’ouvrages en histoire, y va d’un papier élogieux — et avec raison, je trouve — sur cette précieuse réalisation historique qu’est ce dictionnaire. Régulièrement, d’ailleurs, sur ce site interactif, je vous renvoie à des biographies de personnages importants apparaissant dans cet ouvrage qui a vie depuis 1966.
Pour annoncer la parution de ce volume XI, Yvan ouvre son texte, à ma grande surprise, avec cette biographie, faisant valoir que Le Dictionnaire propose un panthéon « très très spécial, unique au monde et reconnu comme tel au plan international » et « qui n’inclut pas que des personnages amidonnés ». J’étais heureux que, par l’intermédiaire d’Yvan, ce cher Joe puisse plastronner. Encore qu’il n’était pas du genre à jouer du plastron.
Joe Beef mourra subitement le 15 janvier 1889, à 54 ans, d’une crise cardiaque. Trois jours après, sa veuve et ses six fils le portent en terre. Des milliers de personnes les accompagnent.
Près de deux ans plus tard, quelle bonne nouvelle ! Le 23 décembre 1890, le quotidien sorelois Le Sud annonce que l’auberge de Joe Beef pourrait devenir une résidence pour itinérants.
Une assemblée nombreuse et pleine d’entrain a eu lieu hier soir sur la rue des Commissaires [de la Commune] dans l’ancienne et célèbre gargote de feu Joe Beef. Il est question de convertir cette maison en une sorte d’asile, où les malheureux sans gite pourront venir passer la nuit. C’est M. Wm Morrison qui s’est mis à la tête de ce mouvement. Un comité dans lequel il y a cinq ou six dames est chargé de recueillir des souscriptions pour fonder cet asile. Il y aura dans cet asile une cuisine, où on fera du café pour les pauvres, et vingt-cinq chambres à coucher. On demande aux personnes qui veulent contribuer à cette œuvre d’acheter des billets de lunch et de les donner aux pauvres, au lieu de leur donner de l’argent.
Le portrait ci-haut de Joe Beef, du Musée McCord, provient de cette page Wikipedia sur ce personnage.
La photographie de la taverne de Joe Beef, rue de la Commune, à Montréal provient de Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Fonds ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, Office du film du Québec, Documents traités (support 33 mm en cours de numérisation), cote E6, S7, D701043 à 701045. Photographie d’Henri Rémillard, 1970.
Question. Joe Beef, qui portait originellement le nom de Charles McKiernan, a eu six fils. Quelqu’un, quelque part, connaît-il un de ses descendants ? À quand davantage de «bruit» sur ce cher Joe ?
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