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Avez-vous jeté un œil sur le dernier ouvrage de Sylvain Tesson ?

La panthère des neiges, Gallimard, 2019. Prix Renaudot 2019. Un ami photographe animalier, pas du tout chasseur, sinon d’images, Vincent Munier, l’invite à l’accompagner au Tibet.

« Je poursuis une bête depuis six ans. La panthère des neiges. Elle se cache sur les plateaux du Tibet. J’y retourne cet hiver, je t’emmène. »

Et ils partent quatre. Outre Munier et Tesson, on retrouve Marie, la fiancée de Munier, cinéaste animalière, et Léo, qui interrompt sa thèse de philo pour devenir aide de camp de Munier.

Le livre de Tesson est très bien « tourné ». Écriture simple. Phrases courtes. Succession de courts tableaux. Et le tour est joué. Dès la page 37, voici ces quelques lignes sur la rencontre d’un loup.

Des loups hurlèrent, au loin, vers le couchant, par-delà le col.

 — Ils chantent, préféra dire Munier, ils sont au moins huit.

Comment pouvait-il le savoir ? Je n’entendais qu’un même lamento. Munier poussa un hurlement. Au bout de dix minutes, un loup répondit. S’établit alors ce que je garde comme une des plus belles conversations tenues par deux êtres vivants certains de ne jamais fraterniser. « Pourquoi nous sommes-nous séparés ? » disait Munier. « Que me veux-tu ? » disait le loup.

Munier chantait. Un loup répondait, Munier se taisait, le loup reprenait. Et soudain l’un d’eux apparut sur le col le plus haut. Munier chanta une dernière fois et le loup galopa dans le versant vers notre position. Farci de lecture médiévale — fables du Gévaudan et romans arthuriens —, je ne trouvais pas du tout agréable la vision d’un loup fonçant vers moi. Je me rassurais en regardant Munier. Il avait l’air aussi peu inquiet qu’une hôtesse d’Air France dans les turbulences.

Il va s’arrêter d’un coup devant nous, murmura-t-il juste avant que le loup ne se fige à cinquante mètres.

Il prit la tangente, et nous coiffa par un long cheminement, trottant à niveau, la tête tournée vers nous, rendant les yacks fébriles. Le troupeau noir prit à nouveau le large, dérangé par le loup, et remonta les pentes. Tragédie de la vie en groupe : n’être jamais tranquille. Le loup disparut, nous fouillâmes le vallon, les yacks atteignirent les crêtes, la nuit tomba, nous ne le revîmes pas, il s’était évaporé.

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