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Bref voyage en Transylvanie (Premier de deux billets)

Je viens de terminer la lecture d’un livre de nouvelles d’un écrivain hongrois né en Transylvanie, Aron Tamasi (1897-1966).

L’auteur nous amène dans cette région de montagnes et de forêts et nous nous arrêtons à maintes reprises dans le pays profond. Et le grand plaisir est de découvrir les nombreuses similitudes entre les pays profonds du monde, et on sourit à l’image de retrouver le pays profond québécois dans la chaîne des Carpates sur ce plateau de dépressions et de vallées.

Il est impossible de résumer en quelques lignes ce bel ouvrage, d’autant plus que celui-ci nous propose 19 nouvelles. Je ne veux que simplement montrer comment cet écrivain à un talent fou pour imager son propos.

Voici le début de sa nouvelle « Étoiles de Transylvanie ».

Le jardin d’Éden dans la Bible est une grande légende. Mais au cas où il aurait tout de même existé, il a dû y faire un temps pareil à celui de cette journée d’été, à l’approche du soir : d’une splendeur sereine, doux et riant, heureux et infini.

Voilà ce que je me dis au début de ma flânerie sur la colline surplombant le village. Puis je m’élançai, mes yeux papillonnèrent, s’esclaffèrent même parfois, pourtant un grand chagrin national rongeait mon cœur. Mais en cet instant, il me semblait que tout jouait sur la terre comme au ciel : le Soleil jouait en riant lorsqu’il cacha sa ronde tête flamboyante derrière les montagnes, on aurait dit un enfant géant jouant à cache-cache ; et les corneilles jouaient en le guettant avec curiosité du haut du peuplier. De même, les collines, s’élevant pour tirer un cordon de lumière : les forêts, indolentes, envoyant dans l’air leur fumée dorée et parfumée ; les libellules zigzaguant diligemment, comme si elles venaient de sortir des œufs que l’arc-en-ciel avait pondus dans l’eau ; Les deux villages voisins tendant la route nationale entre eux, tel un fabuleux cuir à rasoir ; et par-dessus tout, jouait le ciel qui, tendu à l’infini, flottait comme une ombrelle universelle dont le manche eût été égaré par la Terre.

Et pourtant, tout semblait avoir un goût éternel. J’étais persuadé que c’était pareil à l’époque des pharaons ou au temps du roi saint Laszlo. Exactement comme aujourd’hui : au deuxième été du règne de Ferdinand, roi des Roumains, en Transylvanie.

L’eau de la rivière jouait sa musique suivant sa partition ancestrale, les prés revêtaient leur couleur de toujours, comme le blé celui de l’or inaltérable. La terre sur laquelle je me tenais n’avait pas changé, seulement des hommes d’un autre type y avaient surgi.

D’autres extraits demain.

 

Aron Tamasi, Étoiles de Transylvanie, nouvelles traduits par Agnès Jarfas, Éditions Héros-Limite, Genève, 2011, p. 129s.

Merci beaucoup, chère Melinda, pour ce cadeau magnifique.

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