Revoilà Joe Vincent dans l’actualité
Cet homme est le maître du fleuve Saint-Laurent devant Montréal. À l’occasion, il fut même un héros.
Le revoici, cette fois-ci, casse-cou sautant de glace en glace. Danger cependant.
Joe Vincent, pêcheur de Longueuil, a été le premier hier à s’aventurer sur la glace du fleuve depuis que la navigation est close. Il est parti de Longueuil vers neuf heures, à la tête de l’île Chaînon, où le pont de glace commence toujours à se former après que celle-ci s’est accumulée à Boucherville.
Depuis nombre d’années, c’est lui qui a tracé tous les ans le chemin de glace de Longueuil à Montréal, et pour ce a toujours eu la faculté de percevoir le droit de passage pour ce chemin-là.
Son voyage d’hier a été des plus intéressants, surtout lorsque c’est lui qui nous le raconte. « Je me trouvais au milieu du fleuve, non loin du centre même du courant, lorsque je m’aperçus que la glace n’était pas assez ferme pour supporter la pression de mes pas. Je me suis mis alors à sauter d’une glace à l’autre, jusqu’à ce que celui sur lequel je me trouvais s’allât coller sur un plus large, et je me réfugiai sur ce dernier, ce qui me permit de continuer ma route. À maintes reprises, les blocs de glace s’enfoncèrent sous moi, et, dans ces moments-là, j’eus l’eau jusqu’aux flancs. Je me trouvai heureux après une expérience de 2 hrs environ, durant laquelle je me trouvais plusieurs fois en un péril réel d’atteindre le rivage à Maisonneuve [une ville de l’est de l’île de Montréal qui sera bientôt annexée à Montréal même].
Tout ce que je portais avec moi était ma hache dont je me sers toujours chaque année pour tracer le chemin aux cultivateurs sur la glace.
Puis Vincent nous quitta pour aller prendre le train de Longueuil, préférant cette route à celle qu’il avait parcouru le matin [il fut un temps où le train empruntait les glaces du fleuve Saint-Laurent, en amont du chemin qu’avait pris Vincent, pour aller sur la rive sud].
Le père de ce Joe Vincent, qui est mort il y a deux ans, avait la charge quand le pont Victoria n’existait pas, de transporter les malles entre les deux rives.
La Presse (Montréal), 30 décembre 1897.
L’illustration provient du quotidien La Presse, édition du 9 mai 1902.