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Parfois, consultant des guides d’identification d’oiseaux, on reste surpris

Recourant, par exemple, à la seconde partie de son Ornithologie du Canada (1861), on découvre qu’entre la Fauvette du Cap May et le Viréo à front jaune, James Macpherson LeMoine a glissé un texte sur Madame de Tracy.

Il s’agit de l’Anglaise Sarah Newton (1789-1850), épouse en premières noces du général Letort, aide de camp de Napoléon tué à Charleroi en 1815, puis en secondes noces de Victor Destutt de Tracy. LeMoine écrit :

 

 

 

Les oiseaux, ce sont des baisers

Que donne le ciel à la terre ;

Sur les lacs,, par leur vol rasés,

Les oiseaux, ce sont des baisers.

On a publié récemment les « Lettres et Pensées » de Mme de Tracy, une Parisienne qui a laissé le souvenir d’un aimable esprit dans la société française, Ces lettres contiennent un passage admirable de tendresse pour la gent ailée. […]

Mme de Tracy aimait les petits oiseaux et leurs chansons, comme Dieu les aime. Elle leur donnait la pâture sur ses genoux ; elle se levait la nuit pour les suivre. Un jour, son rossignol tomba malade. Vous savez que J. J. Rousseau ne pouvait entendre le chant d’un rossignol sans pleurer.

Un cœur aussi dans ses notes palpite

A dit M. de Lamartine en parlant du rossignol ; Dupont de Nemours a noté sa musique et traduit ses chansons. Mme de Tracy était bien  près de faire comme Rousseau, de pleurer parce que son rossignol ne chantait plus.

« La duchesse de Coigny, dit-elle dans une de ses lettres, vint me voir un matin. Elle me trouva courbée en deux comme si j’avais un  lumbago. » Qu’avez-vous donc, me dit-elle. — J’ai un oiseau dans l’estomac. — Vous en avez mangé ? — Non, Dieu merci, je suis la garde-malade de mon rossignol et j’ai essayé de le réchauffer…» […]

Non seulement Mme de Tracy parle très bien des bêtes, elle a pour les animaux toutes sortes d’attentions courtoises et hospitalières dont elle nous raconte les détails d’une façon charmante, avec aussi peu d’orgueil que d’humilité, et comme la chose la plus naturelle du monde.

« Je m’occupe de mes animaux. Mon merle ne veut s’endormir que lorsque la lampe est allumée dans la salle à manger. Sa cage est accrochée près des rideaux, et il sait très bien en tirer un coin à travers les barreaux pour s’en faire un lit plus douillet. J’avais déjà remarqué depuis longtemps que les oiseaux étaient très recherchés dans leurs goûts. Ceux que j’apporte au salon ont soin de se percher sur des meubles dorées, ou bien c’est aux chaises à dossier de velours et de soie qu’ils donnent la préférence. […]

J’ai aussi un crapaud mélomane qui monte chaque soir le perron pour venir m’écouter quand je joue du piano. Lorsque j’ai terminé, je le prends délicatement avec des pincettes pour le mettre dehors, bien sûre de le voir revenir le lendemain.

Maintenant qu’il fait froid, mon grillon [elle a aussi un grillon] se cache dans les plis des rideaux ; mais il en sort le soir pour venir sous la table chercher le pain et les noix que j’épluche pour lui. Les mœurs, les singularités de toutes ces bêtes m’intéressent au dernier point. J’emploie mes heures de repos à les observer ; elles me délassent de mes études sérieuses, et c’est par elles que je reviens à l’humanité…. »

 

J. M. LeMoine, Ornithologie du Canada, seconde partie, Québec, Imprimerie E. R. Fréchette, Québec, 1861, p. 209-212.

La photo du rossignol prise par Orchi apparaît sur la page Wikipédia qui lui est consacrée.

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